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Professeur, que faire si tu es bloqué par une nécessité de service ?


Refus de mi-temps, de temps partiel ? 

Refus de détachement alors que tu avais pourtant été recruté(e) ailleurs ? Et ce beau poste va te passer sous le nez ?

Refus de disponibilité pour convenances personnelles ? Alors que tu avais bien anticipé ton départ et préparé ton projet ?

Refus de démission, alors que tout était fin prêt pour ta nouvelle vie ?

Refus de demande de rupture conventionnelle avec indemnité, alors que tu espérais une once de gratitude, de reconnaissance d'un système pour lequel tu t'étais tant investi(e) ?

=> Tu peux écrire une demande de recours gracieux dans les 2 mois suivant le premier refus.

 

Mais si ton recours et refusé, ton projet tombe à l'eau !

Et que te reste-t-il si tu veux vraiment partir, si tu es déterminé(e) ?

Comment sortir de ce carcan qu'est "la sécurité de l'emploi", "le plus beau métier du monde", si beau que ceux qui le gèrent tentent de te forcer à y rester ?

 

Il te reste juste "l'abandon de poste". Ils sont des milliers de professeurs à en parler sur les réseaux sociaux, et pour t'éviter de foncer tête baissée vers cette ultime solution sans réfléchir, nous avons décidé de faire un point exhaustif sur cette problématique.

 

 

L'abandon de poste est défini ainsi par le juge administratif : « lorsque l'agent ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé ».

 

L'abandon de poste, on t'en parle peu, à raison: c'est une faute grave menant à un licenciement. Mais si tu veux démissionner sans indemnité et qu'on te la refuse pour "nécessité de service", l'abandon de poste a exactement le même effet qu'une démission, in fine, sauf qu'il est beaucoup plus difficile à vivre psychologiquement.

 

Nous abordons donc en toute transparence ce véritable "tabou".

 

Ce dossier enrichi de témoignages, d'analyses, d'extraits de la législation, va te permettre de faire le point, de réfléchir, en pesant le pour et le contre, sans foncer tête baissée, parce qu'un inconnu te l'aura proposé sur un groupe privé Facebook par exemple, vers cette solution. Ainsi nous t'évitons une décision trop précipitée, prise sur le coup de la colère de ta démission refusée.

 

Notre objectif en concevant ce dossier, est de de présenter tous les aspects de cette solution, car ils ne sont pas disponibles aisément sur le web, disséminés sur différents sites web sur des liens profonds. Nous avons actualité ce dossier avec le contenu du Code général des fonctionnaires dans sa version du 1er mars 2022, et avec les témoignages d'anciens professeurs qui ont procédé ainsi car leur demande de congé de formation leur avait été refusée, ou leur demande de disponibilité, ou leur demande de démission.

 

Quand se produit l'abandon de poste ?

L’abandon de poste se produit lorsque :

 

- L’agent public est en absence totale de son poste de manière durable, sans motif légitime, et sans qu’une autorisation de s’absenter de son poste lui ait été délivrée par sa hiérarchie.

 

- L’agent public refuse d’occuper ou de rejoindre une affectation qui lui a été désignée, sans motif valable (par mouvement de mutation par exemple). En effet, l’affectation s’impose à l’agent public au titre de l’obligation d’assurer les tâches confiées.

 

- La mise en demeure (par LRAR) qui lui a été adressée est restée sans effet.

 

- L’agent public a eu la volonté de rompre de manière unilatérale le lien qui l’unissait au service.

 

Pourquoi abordons-nous ce tabou en 2024 ?

Les chroniques de la détresse enseignante sont pleines de professeurs des écoles bloqués dans leurs demandes de mutation complexes, car elles se déroulent en deux temps, avec l’obligation d’obtenir leur droit au départ de leur département (l’exéat) et le droit d’entrer dans un autre département pour y obtenir une affectation (l’inéat). 

 

Lorsque les professeurs sont bloqués par des nécessités de service dans tous leurs types de demandes, ils se démotivent, dépriment, et se rendent compte, comme pendant ces 3 années de crise sanitaire, qu'ils n'auront qu'une vie à vivre, et que le temps presse lorsqu'ils souhaitent vivre autre chose.

 

Les départements d’Ile-de-France, qui regroupent 12,1 millions d’habitants, sont les plus demandeurs de professeurs.

 

C’est pourquoi plus de 65% des lauréats d’un concours du 2nd degré, quelle que soit leur académie d’origine, sont affectés dans les académies de Versailles, Créteil, et secondairement Paris, plus prisé.

 

Les départements les moins appréciés et qu’il est très difficile de quitter pour un professeur des écoles, ou du 2nd degré sont :

- La Seine-et-Marne (77) 

- Les Hauts-de Seine (92)

- La Seine-Saint-Denis (93)

- Le Val-de-Marne (94)

- Le Val-d’Oise (95)

 

Les Yvelines (78) et l’Essonne (91) peuvent comporter des établissements moins difficiles que dans les autres, mais dans tous ces départements le pouvoir d’achat d’un professeur est nettement insuffisant pour financer un logement suffisamment grand, bien isolé, bien chauffé, et financer les dépenses importantes de transport et alimentaires.

 

Le salaire de départ d’un titulaire (en théorie 2.000,00 € nets par mois) peut laisser penser au stagiaire puis un an plus tard titulaire, que c’est beaucoup.

 

Mais l’observation attentive de la progression de la grille indiciaire en fonction de l’ancienneté montre bien que le professeur est systématiquement perdant en regard de l’évolution de l’inflation, sur le long terme. Son salaire ne cesse de diminuer depuis 30 à 40 ans, malgré les « revalorisations historiques » des majorités gouvernementales successives, qui commettent bien plus d’excès de communication les rares occasions où elles y pensent, que d’excès de rémunération. D’où cette grogne persistante des professeurs, que l’on pourrait plus appeler « grognards » (fidèles soutiens de Napoléon 1er qui se plaignaient souvent de leurs conditions de vie), que « hussards » (troupes d’élite hongroises à partir de la fin du Moyen-Age, tirant son nom de « houzard », du hongrois « hùsz » et « ar »). 

 

Pourquoi le mode de gestion des effectifs de l'éducation nationale est-il si rigide ?

La difficulté de mode de gestion des professeurs des écoles est que les Directeurs Académiques des Services de l’Education Nationale (DASEN) changent de département d’affectation tous les 12 à 24 mois.

 

Partout où ils passent ils se font apprécier des cadres administratifs et d’inspection, constituant leur réseau professionnel, mais ils sont mal aimés des professeurs des écoles dont ils bloquent souvent les demandes de mutation, et in extenso de détachement, de disponibilité, et même de démission, de peur de ne pas pouvoir les remplacer. Ils restent peu de temps dans chacune de leurs affectations car ils y deviennent rapidement impopulaires par les mesures difficiles de fermetures de classes qu'ils doivent imposer, et par les nombreuses nécessités de service qu'ils prennent pour empêcher tous les professeurs candidats au départ, de repartir.

 

C’est ainsi que le système actuel de Gestion des Personnels de l’éducation nationale tend à maintenir le plus longtemps possible en poste dans les départements déficitaires (il est très difficile d’en repartir avant 10 à 15 ans de présence dans les académies de Créteil et de Versailles), les professeurs que leur statut après concours a affectés sur des postes fixes en établissement, ou des postes de remplacement (dont les conditions d’exercice sont nettement plus difficiles que n'importe quel VRP du privé, car eux au moins touchent des primes d’intéressement selon leur chiffre d’affaires).

 

La liberté de réaliser leur mobilité en cours d'année scolaire est donc refusée aux professeurs lorsqu’ils veulent rejoindre la région, le département, la commune de leur choix, et les propositions d’affectations hors mouvement par le système POP est tellement infime, et porté sur des affectations tellement difficiles, que la majorité des professeurs qui veulent changer de voie le plus vite possible n’ont plus qu’un choix, le pire de tous : l’abandon de poste.

 

Pourtant c’est une véritable opacité qui entoure cette notion, avec des syndicats et des services administratifs rectoraux qui pour des raisons évidentes de « gestion de la pénurie enseignante », n’en parlent jamais, ou sauf pour sermonner copieusement celui/celle qui aurait la mauvaise idée de dire « je vais abandonner mon poste ».

 

Et tout ce petit monde de promettre "l’enfer" des conséquences multiples qu’entrainerait une telle décision, comme si la vie du professeur, sa vie personnelle, en dépendait.

 

Le choix de l’abandon de poste fait très peur aux académies, aux autorités de l’éducation nationale de tous niveaux, et comme l’éducation nationale finance les décharges salariales des élus syndicaux (même dans les syndicats qui se disent « totalement indépendants et sans compromission »), ceux-là sont invités à dissuader le plus possible leurs adhérents de recourir à une telle extrémité.

 

Tu n'auras qu'une vie, c'est à toi de décider ce que tu veux en faire

 

Regardons les choses en face, sans faux -semblant, sans langue de bois, sans hypocrisie, en toute transparence et en toute neutralité, juste pour que tu sois bien informé : l’abandon de poste est le seul choix qui permet au professeur titulaire auquel tout a été refusé (mi-temps ou temps partiel, activité de cumul à temps partiel, mutation, détachement, disponibilité pour convenances personnelles, démission, rupture conventionnelle), de reprendre sa liberté, pleine et entière.

 

L’abandon de poste ne doit pas être une fuite, mais un choix réfléchi, car c’est un extrême. C’est comme fermer brutalement une porte derrière soi, « partir à l’anglaise », en se mettant en situation irrégulière, tel un migrant ayant franchi clandestinement une frontière, pour espérer une nouvelle vie ailleurs, là où il décidera d’aller.

 

Professeur doit-il être un métier pour la vie, même par concours ?

 

Dans nos échanges avec de multiples responsables syndicaux et avec des adhérents de syndicats depuis 18 ans, ressort que les professeurs qui émettent l’idée, souvent sur le coup de la colère, d’abandonner leur poste, sont quasi infantilisés par leur hiérarchie et leur syndicat car « on ne quitte pas la Grande et Belle Maison ».

 

A les écouter tous, « c’est la dernière des choses à faire ». Donc si c’est effectivement la dernière des solutions, quand aucune autre n’a fonctionné, quand toutes les demandes ont été refusées pour faire autre chose de sa vie que de souffrir en restant professeur, ou simplement parce que l’on a envie de vivre autre chose, au moment où l’envie naît, et pas 5 à 20 ans plus tard, c’est peut-être à étudier soigneusement, si tu n'as trouvé aucune autre solution.

 

Dans quel cas se produit l’abandon de poste pour le professeur stagiaire, et le professeur titulaire ?

- Le professeur ne rejoint pas sa nouvelle affectation par mutation.

- Le professeur ne reprend pas son poste à la rentrée d’une période de vacances.

- Le professeur s’absente sans aucune justification et pour une durée prolongée.

 

L’abandon de poste deviendra effectif par l’absence de réponse du professeur à une mise en demeure (un LRAR) de son administration de reprendre le plus vite possible ses fonctions.

 

- Si le professeur répond à cette injonction, sa hiérarchie exercera à son encontre des mesures disciplinaires, c’est évident.

 

- Si le professeur ne répond pas, il poursuit son abandon de poste, sans se préoccuper de tout ce que pourrait lui écrire son ancien employeur

 

L’abandon de poste aboutira au licenciement du professeur, qui selon les termes du Code Général de la Fonction Publique (article L553-1 du nouveau Code Général depuis le 01.03.2022), n’est pas une procédure disciplinaire. 

 

Quelles seront les conséquences de l'abandon de poste ?

L’abandon de poste aura pour conséquences :

- La radiation des cadres et des effectifs, sans procédure disciplinaire préalablement (à compter de la date de notification par l’administration, et non à compter de la date d’absence du fonctionnaire sur son poste).

 

- La perte de son emploi garanti par l’Etat

- La perte du bénéfice de son concours initial, et du grade acquis

- La perte de son ancienneté en poste, donc de l’indice atteint

- La perte de tous avantages – si avantages il y avait – rattachés à son grade.

 

Si le professeur est contractuel et abandonne son poste, il est radié des effectifs.

Si le professeur est stagiaire ou titulaire, il est radié des cadres.

 

En abandon de poste, le professeur se prive de toute indemnité de licenciement (qui de toute façon n’existe pas dans l’éducation nationale), et de ses congés scolaires indemnisés. On peut supposer qu’il a eu le temps d’y penser avant de prendre cette décision.

 

L’abandon de poste aboutit à un licenciement.

 

Ce licenciement peut se produire aussi selon l’article L553-1 du Code Général de la Fonction Publique, dans ces autres cas pour les professeurs :

 

- 2° Après refus par l'intéressé au terme d'une période de disponibilité de trois postes proposés en vue de sa réintégration, en application de l'article L. 514-8 ;

 

- 3° Pour insuffisance professionnelle dans les conditions mentionnées aux articles L. 553-2 et L. 553-3 ;

 

- 4° Dans la fonction publique de l'Etat, en vertu de dispositions législatives de dégagement des cadres prévoyant soit le reclassement des fonctionnaires intéressés, soit leur indemnisation.

 

Dans les faits, nous observons que l’éducation nationale, pour des raisons statistiques évidentes préfère considérer que le professeur est en insuffisance professionnelle, que de dresser statistiquement les abandons de poste.

 

Un professeur, qu’il soit stagiaire ou titulaire, ne cotisant pas au régime général, ne peut toucher d’allocation de retour à l’emploi (ARE). Donc qu’il abandonne son poste ou qu’il bénéficie d’une disponibilité pour convenances personnelles ou d’une démission simple, il ne peut prétendre (sauf dans les cas légitimes précisés sur le site Service Public) à une ARE

 

Dans le cas des salariés du privé, celui qui abandonne son poste sera privé 4 mois au moins d’indemnités chômage. Le salarié qui abandonne son poste est considéré comme démissionnaire.

 

Dans l’éducation nationale, les cas de professeurs qui ont abandonné leur poste, montre que l’administration préfère elle aussi les placer comme démissionnaires, après avoir refusé elle-même leur démission ou leur demande de Rupture conventionnelle dans un premier temps.

 

L’éducation nationale refuse les demandes de démission « équivoques », c’est-à-dire les courriers de démission qui incrimineraient toute personne, toute procédure, qui concerneraient le professeur, et qui l’auraient conduit à prendre une telle décision. Ceci certainement pour se dédouaner de toute responsabilité dans ce choix du professeur.

 

Pourtant, l’Unedic pour le privé estime que plus de 80% des abandons de poste sont liés à une dégradation des conditions de travail du salarié, ou à un management toxique, avec des employeurs qui préfèrent s’exonérer de toute responsabilité pour ne pas remettre en cause leur mode de management, et risquer des mouvements sociaux paralysant la bonne marche de leur structure. 

 

Au niveau de l’éducation nationale, c’est le même constat. Le haut management ne se remet jamais en question. Chacun est tout puissant dans son rôle, rarement déjugé dans son comportement envers les professeurs, qui ont forcément tous les torts, puisque ce sont de simples exécutants, puisqu’ils ne managent pas de personnels. Ceux qui cherchent à quitter leur métier de professeur ont souffert au moins une fois au travail, en classe, dans leur établissement scolaire, d’une situation qui au fil du temps leur est devenue insupportable.

 

Les envies de quitter son métier sont multiples au 21e siècle

 

- Une affectation dans un établissement trop pénible.

 

- Une affectation sur plusieurs établissements, qui plus est comme remplaçant à l’année, ou à la journée (Brigade ZIL ou TRB dans le 1er degré par exemple).

 

- Des problèmes de gestion d’autorité en classe qui minent jour après jour le professeur en sapant son estime de soi et sa confiance en soi, car les règlements intérieurs des établissements privilégient l’enfant et ses parents au détriment des professeurs. Un conseil de discipline pour un élève très perturbateur est très difficile à obtenir par le collectif des enseignants d’une classe. Il semble qu’un principal de collège par exemple ait tout intérêt à réduire le nombre d’exclusions d’élèves pour démontrer qu’il tient bien son établissement et sait résoudre les problèmes en interne, facilitant l’obtention de sa prochaine mutation vers le poste de son choix. Cela sape l’autorité, la crédibilité des professeurs de son établissement.

 

- Des relations compliquées avec des parents exigeants qui ne pardonnent aucune défaillance, se permettent de critiquer la pédagogie du professeur.

 

- Des relations conflictuelles entre collègues, des jalousies sur les emplois du temps annuels, le privilège de posséder sa salle, d’obtenir des dédoublements de classe (la foire d’empoigne lors de la DHG annuelle au moment des futures répartitions de classes en vue de la rentrée suivante).

 

- Un chargé de mission d’inspection ou un conseiller pédagogique trop exigeant envers un professeur stagiaire, le poussant au burn-out ou dégradant son image de soi, lui faisant perdre confiance en lui.

 

- Un inspecteur (IEN ou IA-IPR) qui aime terroriser les professeurs pour développer sa réputation de personne à craindre et « qui a du pouvoir » (malheureusement les académies sont pleines de ces petits chefs qui se créent des baronnies par la crainte qu’ils inspirent, se créant autour d’eux une Cour de fidèles, soumis, à leur botte, leur passant « la brosse à reluire » qui pour obtenir une mission intéressante, qui pour obtenir un meilleur poste, qui pour obtenir un emploi de chargé de mission).

 

- Le niveau de rémunération aussi, vient s’ajouter à cette litanie de bonnes raisons de cesser d’enseigner.

 

Ces anciens professeurs qui ont abandonné leur poste ont accepté d'en témoigner

 

TEMOIGNAGE DE VIRGINIE :

 

Quelles ont été vos motivations à devenir professeur ?

 

C'est ce qu'on appelle une vocation. Bercée par les livres de Marcel Pagnol, je viens d'un milieu très modeste qui tenait la culture pour quelque chose de fondamental. Ma grand-mère, qui m'a élevée, m'amenait à la bibliothèque tous les mercredis et j'ai été la première qui a eu le bac (D) dans la famille. L'école a été un lieu d'émancipation pour moi et j'y ai découvert tout ce à quoi je n'avais pas accès. Je suis le résultat de l'émancipation par le savoir. Je peux même dire que les livres ont sauvé ma vie qui n'était pas rose tous les jours (je n'en dirai pas plus) ; il était donc évident que je deviendrai professeur pour transmettre et émanciper à mon tour les enfants.

 

Quel a été votre parcours de carrière comme titulaire de l'éducation nationale ?

 

Après des études salutaires de philosophie à l'université, en 1999, j'ai réussi le concours de professeur des écoles (je ne pensais pas pouvoir réussir en philosophie : un complexe de classe sociale certainement), classée 12e de l'académie (avec 0,5 en sport mais avec les meilleures notes à l'oral, en français et en maths).

Hélas, j'ai déchanté dès l'année d'IUFM ; une médiocrité de la formation que je n'imaginais même pas qu'elle soit possible ; mépris des étudiants ; épuisement sans nom entre les cours indigents et les stages dans les écoles.

 

Titularisée sans problème, j'ai commencé dans le Val-de-Marne dans une classe de CP et je me suis tellement fait descendre par l'inspecteur que j'ai fait ma première dépression. (j'enseignais la syllabique en cachette et je lisais du Daudet ou la comtesse de Ségur à mes élèves... qui adoraient et faisaient des progrès... mais bon ça c'était mal parce que ce n'était pas dans les programmes).

 

Ensuite j'ai continué dans le Val-de-Marne avec une surcharge de travail incroyable (je travaillais dans les 70 heures par semaine car je me formais seule et j'ai adhéré au GRIP qui m'a beaucoup apporté. Mais c'était en plus de l'école et loin des formations creuses et de l'enfer qu'était parfois la classe et l'école. Entendons-nous bien, je n'ai jamais eu de problème d'autorité mais jamais, je dis bien jamais, je n'ai été soutenue par l'institution pour les problèmes du quotidien (35 élèves en classe une année, une autre avec un élève qui mordait les autres ; les menaces des parents etc... C'était "demerden sie sich").

 

J'ai continué le mieux que je pouvais entre épuisement et dépressions.... mais j'avais la foi !

 

Et puis un jour la goutte d'eau : dénonciation calomnieuse de parents.... connus depuis longtemps.... (l'inspectrice m'avait convoquée au début de l'année pour me dire que cet enfant était certainement "sociopathe (!!!!)" et "qu'on faisait tout pour le mettre dans le privé (quand j'y repense c'est hallucinant); âgé de 6 ou 7 ans, je l'ai retenu par le col quand il a tenté de crever l'oeil de sa voisine avec son compas et je me suis retrouvée accusée de lui donner des coups de pieds dans les genoux. 

 

Garde à vue à la brigade des mineurs de Créteil ; menottes ; horreur ; quand la garde à vue a été levée la policière m'a dit : "l'Education Nationale n'a rien fait ; nous lançons une enquête sociale sur ces parents ».

 

Mais moi j'étais détruite, anéantie.... J'ai alors obtenu un détachement pour enseigner à l'étranger en "menaçant" la directrice des écoles (en dessous du recteur) de raconter mon histoire aux journaux... Après ma profonde dépression, elle m'a accueillie au rectorat en me disant " Vous connaissez le film avec Jacques Brel ou l'instituteur est accusé faussement de pédophilie ? Ce sont les risques du métier !!!!!"

 

A l'étranger (Egypte, Turquie, Sénégal, Thaïlande, Hong Kong, Etats Unis et enfin Roumanie) c'était un peu mieux (un salaire un peu plus décent et un pouvoir d'achat beaucoup plus conséquent) mais les fables pédagogistes y règnent en maître comme en France.

 

Quelle étape vous a le plus satisfaite, et pourquoi ?

 

Les peu de fois où j'ai pu enseigner sans contraintes et les progrès de mes élèves. Et, bien sûr, la publication de mon conte philosophique, écrit à partir des idées de mes élèves de CM2.

 

Un jour vous décidez d'entreprendre une évolution professionnelle en démissionnant. Racontez-nous ce qu'il s'est passé et comment vous avez quand même réussi à partir.

 

Après cette histoire de garde à vue il était hors de question pour moi de retourner dans l'académie de Créteil et, quand mon détachement a été refusé, et que, après plusieurs recours, j'ai reçu un courrier du recteur qui me sommait (il était vraiment écrit "je vous somme" de "démissionner ou de réintégrer") ; j'ai donc démissionné ; rentrer pour moi c'était mourir...

 

Vous avez donc "abandonné votre poste". Quelles en ont été les conséquences ? L'éducation nationale exerce-t-elle des "représailles" comme certains syndicats le font croire ?

 

Je n'ai pas attendu la réponse du recteur et j'ai trouvé des emplois en local à l'étranger avec le salaire d'un titulaire et je n'ai eu aucune conséquence. Je n'avais même pas pensé à d'éventuelles conséquences, ma santé mentale et physique était en jeu. J'ai reçu un courrier du rectorat qui acceptait ma démission deux ans après ma demande ! La grosse blague ....

 

Vous êtes-vous inscrite aussitôt partie à pôle emploi et à partir de combien de mois avez-vous perçu une allocation de retour à l'emploi ?

J'ai erré de pays en pays sans aucune indemnité ; je n'ai même pas pensé à en demander. Heureusement que je n'ai pas d'enfants.

 

Qu'avez-vous entrepris comme évolution professionnelle et êtes-vous plus heureuse que titulaire dans l'éducation nationale ? Sinon, de quelles aides avez-vous pu bénéficier pour assurer cette transition ?

 

Après le harcèlement moral que j'ai subi en Roumanie de la part de la nouvelle directrice nommée (nous la surnommions « Folcoche » ou « la Tenardier »), et, avec l'encouragement des parents, j'ai monté ma boite de cours particuliers et j'ai réussi à faire cracher à l'école quelques subsides car la loi du travail est très en faveur du salarié en Roumanie et, comme j'avais un CDI, j'ai négocié mon départ. Et je m'épanouis à nouveau dans mon métier, même si, fille de l'école de la République, je suis payée pour ce que je devrais transmettre gratuitement à tous les enfants.

 

Quels conseils donneriez-vous à un professeur auquel son académie a refusé son temps partiel, sa demande de cumul, puis sa demande de disponibilité, sa démission ou sa rupture conventionnelle ?

 

Ne pas perdre le moral, se battre et de se barrer le plus vite possible quand leur santé est en jeu. Relire, ou lire, et s'inspirer de la Boétie ... ne pas céder à "la servitude volontaire".

 

Qu'auriez-vous envie de dire à ce système qui empêche les professeurs de partir et proclame pourtant qu'il veut redonner de l'attractivité au métier d'enseignant ?

 

Ils ont trahi l'école, le savoir et la vocation de tous ces merveilleux collègues qui vont au charbon... C'est indigne. De la haute trahison au regard de l'enjeu qu'est l'école.

 

***

Virginie a publié un ouvrage « Le secret des sages endormis. Un conte inventé en classe » en octobre 2016 que ses lecteurs ont beaucoup apprécié. 

 

TEMOIGNAGE DE MARTIN :

 

En septembre 2013 vous avez contré la nécessité de service imposée par votre académie de Versailles pour réaliser une formation, un master 2 de cinéma, qui vous tenait à cœur. Pouvez-vous nous retracer toutes les étapes de votre démarche jusqu'à votre départ définitif ?

 

En juin 2013, j’ai été admis sur concours en Master 2 Cinéma mention scénario, réalisation, production à l’université Paris I. Ma candidature s’inscrivait dans un projet longuement mûri de mener de front une double activité d’enseignement et de réalisation de documentaires. 

 

Pour mener à bien cette année d’étude, j’ai adressé au rectorat une demande de disponibilité, qui a été rejetée début juillet. J’ai immédiatement formulé un recours grâcieux en précisant que cette formation était une opportunité très importante pour moi, que j’étais déterminé à la suivre, que je ne prendrais pas mon poste en septembre et qu’il fallait me remplacer afin que les élèves ne manquent pas de cours en début d’année. N’ayant pas reçu de réponse à la fin du mois d’août, j’ai relancé par téléphone le rectorat, mais en vain. 

 

Ayant annoncé mes intentions dans ma demande de recours grâcieux, je ne me suis pas rendu à la journée de rentrée des enseignants. Le lendemain, j’ai reçu un appel de la direction de mon établissement, qui était tout surprise de mon absence. J’ai expliqué ma situation qui ne lui était pas connue. Il faut dire qu’il s’agissait d’une nouvelle équipe, le proviseur et la proviseur-adjoint ayant pris leur poste au cours de l’été. 

 

Combien de temps s'est écoulé entre le 1er septembre, date à laquelle vous ne reprenez pas votre poste, et la démission "non équivoque" que vous impose l'administration ? 

 

J’ai rapidement été reçu par le proviseur et la proviseure-adjoint avec bienveillance et compréhension. Quand je leur ai fait part de mon souci d’être remplacé rapidement, il m’a été indiqué que mon remplacement n’était possible que si je n’occupais plus mon poste et que la seule solution pour cela était que je démissionne. 

 

J’ai donc écrit au recteur une lettre de démission, expliquant que celle-ci était motivée uniquement par ma volonté que la continuité du service soit assurée, mais que je préfèrerais ne pas quitter l’Education nationale et continuer d’enseigner au terme de ma formation dès la rentrée de septembre suivante. 

 

Une fois votre démission signée, et renvoyée à l'académie, combien de temps s'est écoulé pour recevoir l'arrêté de démission effective?

 

En réponse à ma lettre de démission, j’ai reçu un courrier m’enjoignant à adresser au recteur une lettre de démission non équivoque. J’ai répondu que ma démarche était tout sauf « non équivoque », puisque j’étais mis au pied du mur, et que je refusais d’écrire une telle lettre. 

 

Par la suite, j’ai suivi normalement ma formation. Pendant ces quelques mois, le rectorat m’a proposé de manière informelle, par l’intermédiaire de représentants syndicaux, de m’accorder une disponibilité pour la même formation l’année suivante si je reprenais immédiatement un poste. J’ai refusé cette proposition, car ma formation et plusieurs projets collectifs liés à celle-ci avaient déjà commencé. En outre, ce master étant sélectif, je n’avais pas de garantie que ma candidature serait de nouveau retenue l’année suivante. 

 

Au début du printemps (de l’année scolaire en cours, ndlr), j’ai reçu une lettre du rectorat me signifiant ma radiation pour abandon de poste. J’ai adressé au recteur un nouveau recours grâcieux rappelant mon souhait de reprendre un poste à la rentrée de septembre, mais la décision a été confirmée en tirant argument de ma lettre de démission (quand bien même celle-ci était « équivoque », de l’aveu même du rectorat). 

 

Comment pourriez-vous décrire les différents échanges que vous avez eus entre ces deux dates avec l'administration ? Expliquez. 

 

Malgré le caractère conflictuel de la situation, je n’ai jamais été reçu au rectorat, ce qui a été pour moi une surprise et un motif supplémentaire d’indignation. Les échanges directs ont été exclusivement épistolaires. Des échanges indirects ont eu lieu par l’intermédiaire de représentants syndicaux, mais peu nombreux. Par ailleurs, j’ai été conseillé et soutenu par l’association Aide aux profs et par la Société des agrégés, grâce auxquels je me suis senti un peu moins isolé. 

 

Comment avez-vous vécu cette période, aviez-vous eu envie de renoncer ? 

 

Toute cette période a été très stressante. J’avais du mal à croire que le rectorat finisse par prononcer ainsi ma radiation, car je déclarais vouloir continuer d’enseigner et étais un jeune professeur agrégé, formé, titulaire d’une certification DNL anglais et d’une certification pour enseigner l’option cinéma-audiovisuel. Néanmoins, j’étais conscient que mon attitude m’exposait à ce risque, et je n’ai pas été surpris de la sanction elle-même.

 

En revanche, compte tenu de l’investissement très important qu’implique les concours de recrutement (un an de travail intense dans mon cas pour obtenir l’agrégation), j’ai été indigné que le rectorat ne prenne pas la peine de me recevoir ne serait-ce qu’une fois afin d’évoquer ma situation de façon directe. Je n’ai pas non plus eu le moindre contact avec l’inspection. 

 

Cette situation m’a fait prendre conscience que, en termes de formation et d’évolution de carrière, l’Education nationale n’était pas une institution aussi souple que je pouvais l’imaginer. Mon souhait de poursuivre en parallèle une activité d’enseignant et de documentariste s’avérait finalement illusoire. J’avais vingt-huit ans, je n’avais pas d’enfant à charge et je ne souhaitais pas renoncer à une de mes aspirations professionnelles en raison de contraintes administratives rigides et de courte vue. 

 

Vous êtes-vous inscrit à pôle emploi ensuite ? Aviez-vous droit à quelque chose ? Comment s'est déroulée cette période ?

 

Je me suis effectivement inscrit à Pôle emploi, mais je n’ai eu droit à aucune indemnité. J’ai effectué un stage de développement de films documentaires et travaillé comme auteur sur plusieurs projets de documentaires. Il s’agissait de missions ponctuelles et aléatoires, générant peu de revenus. Je savais que l’entrée dans ce nouveau métier impliquait un investissement important qui mettrait du temps à porter ses fruits. J’étais résolu et optimiste, mais ma compagne s’est sentie très insécurisée par l’incertitude professionnelle dans laquelle je me trouvais, qui lui a beaucoup pesé. 

 

Après cette formation, où êtes-vous allé travailler ? L'abandon de poste puis la démission ont-ils posé problème pour votre recrutement ? L'administration vous a-t-elle nui par la suite ?

 

Entre temps, j’avais soutenu ma thèse de doctorat et j’ai assuré des vacations en histoire à l’université. J’ai également enseigné dans une prépa privée pour des concours du supérieur.

 

Les quelques candidatures spontanées que j’ai adressées à des établissements du secondaire sont restées sans réponse. Je peux imaginer que les recruteurs ayant examiné mon CV n’ont pas vu d’un bon œil ma démission de l’Education nationale. 

 

Ayant une expérience dans le domaine de l’édition scolaire - direction d’ouvrage d’un manuel d’histoire-géographie pour la classe de troisième - j’ai travaillé comme auteur pour le CNED, puis j’ai été recruté à temps plein comme éditeur à la revue Documentation photographique, alors publiée par la Documentation française, fonction que j’occupe encore aujourd’hui avec un statut d’indépendant.  

 

En comparaison de votre salaire et vos perspectives de carrière quand vous étiez dans l'EN, et de vos possibilités actuelles, quelles conclusions faites-vous ? Avez-vous des regrets ?

 

Aujourd’hui, je partage mon temps entre une activité d’éditeur et de documentariste. J’ai la chance d’exercer deux métiers passionnants et dispose d’une grande liberté. Le revers de la médaille est l’incertitude vis-à-vis de l’avenir : étant indépendant, je suis tributaire de l’intérêt que porte à mes projets les éditeurs et les producteurs avec lesquels je travaille, et des propositions qui me sont faites. 

 

Cependant, je ne regrette pas ma décision : après m’être sorti du filet dans lequel l’administration me retenait, j’ai éprouvé un sentiment de liberté source de beaucoup d’énergie pour avancer dans ma nouvelle voie. La situation dans laquelle je suis actuellement me semble plus adaptée à la poursuite de mes projets professionnels qu’un poste d’enseignant à temps partiel, qui présente moins de souplesse. 

 

Que conseillez-vous aux professeurs qui veulent imiter votre démarche ? Quelles précautions prendre ? (Dans tous domaines)

 

Tout d’abord, je leur conseillerais de bien se renseigner sur les conséquences administratives et professionnelles d’une telle décision. Pour ma part, je pensais naïvement qu’un ancien professeur agrégé d’histoire, docteur et titulaire de deux certifications pourrait être recruté dans l’enseignement privé sous contrat relativement aisément. Or, il n’en était rien : pour obtenir un poste, il me fallait repasser un concours, ou bien assurer des remplacements comme contractuel, avec une rémunération identique à celle d’un enseignant sans expérience diplômé d’une licence. 

 

Il est également nécessaire de considérer sa situation personnelle et familiale. Je n’aurais certainement pas pris le même risque si j’avais eu un enfant. En outre, il faut se préparer à une baisse de revenus importante pendant une période d’une durée indéterminée. Il m’a fallu plus de deux ans pour retrouver une rémunération comparable à celle dont je bénéficiais auparavant. 

 

Aujourd'hui, comment percevez-vous l'évolution du métier d'enseignant d'après sa médiatisation récurrente et les dernières réformes comme le Pacte et les groupes de niveau ? Que vous inspire votre ancienne vie ?

 

Je suis entouré de nombreux enseignants et n’ai donc pas une image du métier formée par sa médiatisation. Le sentiment qui domine parmi eux est une forme de désarroi et de dépit face au manque de considération de l’administration en dépit de leur investissement. 

 

J’ai aimé enseigner, mais ne pense pas avoir la vocation chevillée au corps, contrairement à beaucoup d’autres professeurs. Je pense être davantage à ma place dans les domaines professionnels où j’évolue désormais. 

 

Quelle méthode pour démissionner sans être bloqué(e) par une nécessité de service ?

Pour démissionner sans être bloqué par une nécessité de service, voilà donc la méthode et tu n’as besoin de personne pour t’apprendre à conduire ta Harley Davidson.

William LAFLEUR, lui, a réussi à démissionner normalement, mais il indique bien dans cette interview qu'il n'y a que l'abandon de poste si la démission est refusée, et que tu souhaites vraiment partir au moment où tu l'as décidé.

1. Envoyer une LRAR au rectorat à l’en-tête du Recteur, qui contiendra ta demande de démission, à la date à laquelle tu souhaites partir. Si tu le fais en cours d’année parce que tu es sûr(e) de trouver un poste ailleurs dans le privé, ou que tu as envie de créer ta micro-entreprise, respecte quand même un préavis de 3 mois pour que le service RH de ton académie parvienne à te trouver un remplaçant. Si ton objectif est d’être recruté(e) ailleurs dans le Public, fais bien attention, ton abandon de poste peut te nuire.

 

2. Envoyer pendant une période de congés scolaires au bout de laquelle tu ne veux pas retourner enseigner, un mail à ton établissement de remplacement ou de rattachement pour les informer de ta décision de démissionner et de ne pas réintégrer ton poste, en leur scannant la lettre adressée en LRAR à ton rectorat. Juste par courtoisie, si tu veux rester sympathique, sans te laisser bloquer par une nécessité de service.

 

3. Ensuite, tu « fais le mort », puisque tu as compris que l’abandon de poste suppose un choix déterminé, définitif, une volonté en titane, pour ne pas te laisser impressionner par le contenu des courriers, courriels et appels téléphoniques que tu es susceptible de recevoir. Ouvre-les quand même si tu le souhaites : l’administration que tu quittes est obligée de t’adresser une mise en demeure préalable à ton licenciement. Cela aura le même effet qu’une démission, puisque tu n’as pas droit à une Allocation de Retour à l’Emploi. Donc si ta démission est refusée, tu sais que si tu es déterminé(e), il te reste cette option. Qui constitue un bras de fer avec ton employeur. Celui-ci espère que tu vas te soumettre à la nécessité de service qu’il oppose à ta demande. Si tu as peur de perdre ton statut, ton ancienneté, il gagne, et tu perds la partie. 

 

4. Une fois la mise en demeure reçue, tu as encore la possibilité de regretter. Le courrier que tu reçois peut te menacer de représailles administratives, avec une date limite pour te représenter à ton poste. Si tu n’obtempères pas, tu risques donc la radiation des cadres, sans procédure disciplinaire préalable. Ce qui aura la même valeur in fine que la démission que l’on te refusait. Si tu reprends ton poste à ce stade, l’administration opèrera une retenue sur salaire des jours non effectués, et peut t’infliger une sanction disciplinaire, dont le panel est très diversifié.

 

5. Etant donné que la paie du mois N est programmée avant le 15 du mois N – 1, tu seras toujours payé(e), mais si tu persistes dans ton abandon de poste, il te faudra rembourser ce que tu auras indûment perçu, et même si tu fais la sourde oreille, l’administration trouvera toujours un moyen de prélever sur ton compte bancaire ce que tu lui dois. N’aie aucun doute ni espérance à ce sujet. Cela se fera au prorata des jours non effectués dans le mois où tu as décidé cet abandon de poste.

 

6. Quelques semaines à quelques mois après ton abandon de poste, tu finiras par obtenir ce document que tu espérais au départ (une lettre de démission à signer, ou un arrêté signifiant que suite à ton abandon de poste, tu as été licencié, perdant ta qualité de fonctionnaire en ayant été radié des cadres sans poursuites disciplinaires préalables), que tu aies obtenu un refus de démission ou de rupture conventionnelle pour « nécessité de service », ou que tu aies décidé d’en finir avec le métier de professeur par l’abandon de poste.

 

Par cette signature, qui aurait eu le même effet dans le cadre d’une démission acceptée :

- tu seras radié des cadres de la Fonction Publique de l’Etat et donc des effectifs,

- tu perdras le bénéfice de ton concours initial et de ton ancienneté,

- si tu décidais de passer de nouveau un concours, il est fort possible que tu sois bloqué(e) au recrutement si c’est dans l’éducation nationale. Mais dans la Fonction Publique Territoriale nous n’avons pas eu connaissance de cas de blocage au recrutement.

 

7. Même si tu renvoies ce document signé d’acceptation de démission, après avoir forcé la main de ton employeur, n’attend pas de précipitation sur ton dossier, si tu as besoin d’un document le prouvant, pour ton inscription à France Travail. Tu n’es plus dans les priorités du moment, ça peut prendre 2 ans si l’administration a envie de faire traîner les choses.

 

Si tu tiens absolument à obtenir un document relatif à ton ancien emploi, il te faudra obtenir une attestation qui contiendra :

 

- la date de ton recrutement et celle de ta démission effective,

- les fonctions que tu occupais et ton grade, ton échelon, ton indice, la catégorie (A, B ou C) dont tu relevais, et la durée durant laquelle tu as effectivement exercé tes fonctions,

- le détail des périodes de congé non assimilées à du travail effectif.

 

Cette attestation employeur peut t’être demandée par France Travail. Il est clair qu’en ayant mis en difficulté ton service de gestion RH, n’attend pas d’être traité comme un(e) prince(sse). 

 

8. Que tu aies abandonné ton poste ou démissionné sans forcer la main, et que tu souhaites retravailler dans le privé ou créer ton entreprise, tu es censé(e) devoir en demander l’autorisation de ton ancien employeur, si tu étais fonctionnaire ou agent contractuel de droit public en CDI. Si tu étais professeur contractuel depuis moins d’un an, ça ne te concerne pas. C’est surtout valable si tu es recruté(e) pour les compétences développées dans la Fonction Publique et qui pourront avoir un lien avec le nouvel emploi. Le référent déontologue de l’administration devra alors apprécier la compatibilité de cette activité avec les fonctions exercées les trois dernières années.

 

9. Si tu abandonnes ton poste juste après avoir réalisé un congé de formation rémunéré, tu devras reverser à l’administration le montant de l’indemnité qui t’a été versée durant ce congé. Cela t’affranchira alors de la triple durée à redonner en temps de travail si tu étais resté (démarche que tu peux aussi faire si tu te sens bloqué(e) après un congé de formation pour obtenir une demande de disponibilité pour convenances personnelles, ainsi conserves-tu le bénéfice de ton concours, et de ton statut, sans te mettre en situation anormale).

 

De même, si tu étais professeur en mi-temps annualisé, si cet abandon de poste a lieu avant service fait, l’administration te demandera de rembourser les sommes qui t’ont été indûment versées, puisque tu seras parti(e) avant de terminer les 5 mois à plein temps de ton mi-temps annualisé.

 

10. En abandon de poste, tu ne peux pas prétendre à une indemnité pour rupture conventionnelle puisque c’est toi qui a pris l’initiative de partir, et que cette démarche doit s'effectuer d'un commun accord.

 

11. Si tu étais mutualiste MGEN il faudra que tu les informes de ton abandon de poste. Tu continueras de bénéficier du régime général de la sécurité sociale, et il te restera à trouver une autre mutuelle si tu veux continuer cette dépense de santé mensuelle.

 

12. Dès 2 années effectives d’enseignement comme fonctionnaire, tu as droit à une pension civile de l’Etat lorsqu’en fin de carrière tu demanderas à l’âge légal ou avec une surcote, ton départ en retraite. Si tu avais travaillé moins de 2 ans, l’éducation nationale fera considérer ces 2 ans au titre du régime général.

 

13. Il te faudra prévenir ton Centre Des Impôts (CDI), directement en ligne sur ton compte personnel, que tu n’auras plus de rémunération, ce qui te permettra de modifier ton taux d’imposition. Il est préférable à ce stade de demander un rendez-vous pour expliquer la complexité de ta situation.

 

14. Si tu cherches à être recruté(e) par la suite dans un autre ministère ou dans la fonction publique territoriale, tu devras de nouveau passer un concours et l’obtenir, mais tu auras perdu toute ton ancienneté, et tu redémarreras à l’échelon 1 du grade du nouveau corps.

 

15. Il restera toujours une trace de ton passage à l’éducation nationale, qui conservera ton dossier administratif jusqu’à tes 80 ans ! C’est ce que l’on appelle « la durée d’utilité administrative ». 

 

Ainsi, si ton projet était de retenter un concours de la fonction publique, il y a un risque aléatoire, si l’on fait le rapprochement avec ton abandon de poste en retrouvant ta trace, que tu n’obtiennes pas ce concours. C’est le risque que tu prends.

 

16. Cette démarche extrême d’abandon de poste suppose que tu aies adopté la stratégie suivante, cumulée ou au choix de tes possibilités, pour assurer la transition entre ton abandon de poste, et ton prochain emploi :

 

- épargner le plus possible les années précédentes pour disposer d’au moins une année de salaire net, le temps de retrouver un emploi, car tu n’auras pas droit à une allocation de retour à l’emploi (ARE), ni à aucune aide de type RSA. 

 

- obtenir le soutien de tes proches, parents et amis, pour traverser cette passe difficile. N’oublie pas que tes parents peuvent t’aider par une « avance d’hoirie » (avance sur héritage) pour faciliter ta reconversion. Ils préfèreront certainement procéder ainsi de leur vivant, en te voyant de nouveau heureux(se) au travail, que de prendre le risque d’attendre leur décès sans avoir cette joie de te voir de nouveau épanoui(e).

 

- dans cette transition, il t’est possible peut-être de solder ton appartement en location (le cas échéant) pour revenir habiter chez tes parents, ou chez des amis qui l’accepteraient, afin de diminuer tes frais courants.

 

- en amont de ton abandon de poste, active ton réseau familial, et amical. Prospecte auprès de ta famille, tes cousins, pour trouver des pistes d’emplois, et prospecte sur France Travail et toutes les plateformes d’offres d’emplois du privé. Les plateformes « profilculture.com », « asfored.org », « ocim.fr » notamment, proposent de nombreux postes en CDD et CDI de droit privé parfaitement en phase avec des compétences transférables de professeur.

 

- n’oublie pas que tu ne pourras pas retravailler comme enseignant dans le Public ni dans le Privé sous contrat. L’éducation nationale ne voudra plus de toi. Toutefois tu pourras retravailler comme contractuel en CDD dans un établissement public national (c’est ce que Martin a réussi ; cf témoignage ci-dessus dans le cours de ce dossier) de tout ministère, ou dans la fonction publique territoriale. 

 

- si tu as besoin de financer une reprise de formation, va expliquer ton projet en créant un compte sur des plateformes de « cagnotte » comme ULULE, LEETCHI, KISSKISSBANKBANK. C’est un moyen de financement basé sur la générosité collective de tout un tas d’inconnus.

 

Si l’ensemble de ce dossier t’a appris quelque chose et t’ouvre des perspectives nouvelles, comme un ballon d’oxygène dans ce que tu pensais être une prison, partage tout simplement l'url de cet article autour de toi.

 


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