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Patricia DE TREGLODE de professeur d’anglais à l’intérim

Patricia DE TREGLODE de professeur d’anglais à l’intérim

 

Interview de Rémi BOYER de l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°169 de mars 2016 sur le Café Pédagogique.

 

Quel a été votre parcours de carrière depuis la fin de vos études ?

 

Quand j'ai obtenu mon diplôme de traductrice et interprète de conférence anglais et espagnol, en 1981, je n'ai pas réussi à entrer dans le cercle très fermé des interprètes de conférence à Washington et New York pour travailler dans les organismes internationaux comme le Fonds Monétaire ou l'ONU. Je suis donc rentrée en France et j'ai trouvé facilement un poste de traductrice dans une grosse société de Telecom. A l'époque personne ne parlait anglais et je circulais dans tous les services : j'étais très demandée par les ingénieurs, les ouvriers, etc., car j'étais la seule à maîtriser une langue et de plus une femme dans un milieu exclusivement masculin.

 

Vous avez enseigné l'anglais : qu'est-ce qui vous a attiré à ce moment-là vers l'enseignement ? 

 

Pour améliorer l'ordinaire, je donnais le soir des cours de soutien en anglais et en français auprès de lycéens. Avec la naissance de ma fille à 28 ans, j'ai rencontré de jeunes parents américains de mon quartier qui venaient d'arriver en France, totalement perdus. Ils étaient ravis de trouver quelqu'un pour les aider en français. Ce que j'ai toujours aimé dans l'enseignement, c'est la pédagogie : voir et détecter les difficultés d'une personne à comprendre, appréhender des concepts et ensuite les maîtriser. J'aime m'adapter à l'âge de la personne, et à ses connaissances déjà acquises. J'enseigne aujourd’hui le français à une mère de famille de 45 ans, de nationalité philippine, qui était professeur d'anglais dans son pays mais n'a trouvé qu'un poste de femme de ménage en France. il y a donc un décalage terrible entre son statut actuel et ses connaissances.

 

Vous avez eu de nombreuses expériences professionnelles : par choix, ou du fait d'emplois de courte durée ? Quelle étape professionnelle avez-vous préférée ?

 

J'ai eu de nombreuses expériences professionnelles, au début par instabilité, mon caractère étant un peu indomptable et insoumis. Ensuite, j'ai été victime comme tout le monde de la précarité des contrats de travail : j'ai donc cumulé CDD et emplois en intérim, voulant absolument travailler et prête à accepter des jobs qui ne me convenaient pas ou bien en dessous de mes compétences. Au moins je travaillais !

 

Au fil de toutes ces expériences, quelles compétences pensez-vous avoir développées ? Quel a été l'expérience professionnelle qui vous en a le plus apporté ?

 

J'ai ainsi acquis les compétences que donne l'expérience ... la faculté de s'adapter à un public varié, dans la gestion des contacts professionnels et personnels. La connaissance de nombreuses personnalités psychologiques, et c'est cela que j'ai approfondi. Comment vivre ensemble et vivre avec toutes sortes de personnalités, comme s'adapter très rapidement à des situations faciles et difficiles, à des changements de dernière minute, quitte à les anticiper, donc une grande ouverture d'esprit.

 

Actuellement vous venez de vous lancer dans une activité de vente de cartes pour un distributeur. Etes-vous devenue micro-entrepreneuse ? 

 

Je me suis lancée dans cette activité de vente de cartes et papeterie anglaise, car tout ce qui est britannique m’intéresse ! vendeuse ? pourquoi pas, car j'aime négocier et convaincre. L'enseignement c'est un peu cela : amener l'autre à réfléchir et à penser ce que vous aimeriez qu'il pense !

 

Que conseilleriez-vous à ces personnes qui ne veulent plus enseigner pour gagner rapidement en compétences ?

 

Sortir de l'Education nationale, s'ils ne sont pas heureux : se poser la question : qu'est-ce qu'ils veulent vraiment faire de leur vie ?

 

Il n’est jamais trop tard, il ne faut pas hésiter à se lancer. Ils ont peu à perdre. Tout à gagner : c'est-à-dire le plaisir de faire enfin ce qu'ils souhaitent vraiment (s’ils n’aiment plus du tout ce qu’ils font). S'ils ne tentent pas quelque chose d'autre ils ne sauront jamais.

 

Que conseilleriez-vous aux enseignants en souffrance, qui n'en peuvent plus d'enseigner, du fait de la diversité de votre parcours ?

 

Je pense qu'il faut partir. Fuir un contexte délétère et se faire conseiller ou trouver une ouverture soit dans des manuels (comment retrouver l'optimisme) soit dans des activités sportives ou manuelles qui les attirent.

 

Il faut bouger et sortir de chez soi, de son corps malade, de son domicile, rencontrer des situations, des gens, essayer et essayer encore ; si l'essai n'est pas concluant, essayer autre chose. Il existe trop de moyens aujourd’hui pour rester dans le marasme de l'ennui, de la longue maladie et d'une activité professionnelle qui déplait. Il faut arriver à détecter LE moteur qui les fera vibrer. Cela peut prendre des années mais cela en vaut la peine.

 

NDLR: Patricia DE TREGLODE est aujoud'hui Responsable d'équipe de bénévoles au Secours Catholique, un nouvel emploi...


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