
Sébastien CAPPUCCIO, professeur des écoles, est devenu formateur, puis coach
Interview de Rémi BOYER de l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°157 de novembre 2014 sur le Café Pédagogique.
Quel a été votre parcours de carrière ?
En 2005 j’étais stagiaire à l’IUFM après avoir réussi le concours de professeur des écoles. La formation en pédagogie fut intéressante, car j'ai appris à décortiquer un savoir et le transmettre à mes futurs élèves. Toutefois, lors du stage de 3 semaines devant «élèves", j’ai été assez surpris que l'on me mette en situation si rapidement.
En effet, mon manque d'expérience fut un régal pour les élèves qui ont pu en profiter. Heureusement pour moi, j’avais fait beaucoup d’animation dans le passé, et donc avait eu de nombreuses occasions de gérer des groupes d'enfants. Ce ne fut pas le cas de tous mes collègues qui ont rencontré davantage de difficultés. Il est étonnant que l’IUFM ne nous prépare pas, en tant que lauréats du concours enseignants, à établir une relation avec nos futurs élèves. Il n’y a pas non plus d’apprentissage pour gérer notre voix, outil essentiel de notre métier, ni de techniques pour avoir de l’autorité en classe, ce qui me semble pourtant indispensable.
De ce fait, les premières années, je n’ai pas pu être le prof que j’aurais voulu être. Pendant le début de ma carrière, j'ai fait beaucoup de remplacements, et ce sur tous les niveaux du Primaire, en tant que Brigade départementale, ou ZIL. Cela m'a permis de travailler à proximité de chez moi dès le début de ma carrière. C’est très compliqué d’établir son autorité sur ce type d’affectation, mais cela permet d'apprendre rapidement et de pouvoir tester ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas avec les élèves. Tous les ans, lors du mouvement départemental, chaque enseignant peut formuler jusqu’à 30 vœux. Au début de carrière, il n'est pas évident d'obtenir les vœux désirés, car nous n'avons que très peu de points et donc très peu de choix. J’ai toujours enseigné dans le 93 et actuellement j’y enseigne à mi-temps.
En 2013-2014 j’ai pris une disponibilité pour créer une entreprise, car je voulais quitter l’EN. J'ai dû réintégrer mon poste au bout de deux mois, car il est difficile de se verser un salaire confortable, au tout début d'une création d'entreprise. Le fait de ne plus avoir de revenus si soudainement complique forcément la tâche.
Quelles compétences transférables vous a apporté ce métier ?
Tout d’abord, j'ai appris à transmettre des savoirs et ai développé une capacité d'analyse sur les différents contenus quel qu’il soit. De plus, j'ai acquis la capacité de fixer des objectifs clairs et différencier ceux qui me sont personnels et ceux qui sont destinés à mes élèves.
C'est quelque chose que je réutilise dans les différentes formations que j'anime pour des entreprises.
L’enseignant est en quelque sorte un ingénieur en formation, mais n'en a pourtant pas conscience. J’ai également acquis une aisance dans l’expression orale face à un public. En effet, animer des cours avec des enfants, permet de développer la capacité de capter l'attention et de détecter si les notions abordées passent ou pas. De plus, lorsqu'on a fait cours à des enfants, on est capable de faire cours à tout le monde, car ce sont les enfants qui ont le moins de règles établies et donc c'est le public où il y a le plus de travail de ce coté-là. Enfin, enseigner m’a permis de développer mon regard critique et mes compétences relationnelles afin de pouvoir mettre en place les actions de remédiation nécessaire pour mes élèves et les conditions d’une relation de confiance.
En quoi consiste votre entreprise (en 2014) ?
C'est une entreprise de coaching et de formation. Je l’ai créée depuis deux ans, et y ai développé des formations pour l’orientation des jeunes. J'avais fait ce choix, car personnellement, j'avais été très mal orienté et pensais qu'il y avais un marché dans ce domaine. Pour ces formations, j'ai dû développer des outils du coaching, après m’y être formé. Cette formation m’a d’ailleurs permis d’améliorer ma technique d’enseignement en classe et de revoir complètement mon rôle et mes méthodes en tant qu'enseignant. Par la suite, le coaching étant la « petite fille de l’hypnose » (selon certains), j’ai poursuivi en apprenant cette technique et ça m’a plu énormément. Ma société s’est donc axée sur le coaching et l’accompagnement de différents projets de vie. Aujourd'hui, je travaille aussi bien avec des écoles qu'avec des entreprises où je propose des formations en hypnose ou des ateliers d'orientations professionnelles. Je propose aussi avec une formation intitulé "Street-coaching",avec un ami, qui a la volonté d'apporter, à tous, quelques outils propres à l'hypnose et au coaching. En deux ans le CA annuel a pu monter à 50.000 euros/an.
Je pense que le coaching devrait avoir sa place dans les ESPE, car cela a vraiment changé ma pratique de l’enseignement. Cela permet de développer une complicité avec ses élèves, qui ne s’apprend pas actuellement dans la formation. J'ai coaché des profs dans leur reconversion, via un blog, et je leur apportais des outils, des réflexions, je les aidais aussi à mieux enseigner.
Ceux qui envisageaient une reconversion découvrent parfois qu’ils apprécient leur métier et en ont une nouvelle perception. C'est toute la force du coaching de modifier les perceptions d'une problématique afin de la résoudre plus facilement. Ainsi, ces enseignants ont les moyens d'améliorer leur relation aux élèves, et de découvrir de nouvelles facettes intéressantes de leur métier.
Pensez-vous rester prof quand votre entreprise va vous permettre d’en vivre ?
J’ai commencé ma période de transition, la flexibilité me manque actuellement. Je veux faire de la formation pour les enseignants. Mais pour l’instant, j’ai proposé mes services à l’ESPE de Créteil et à l’Inspection Académique du 93, mais ça ne les intéresse pas.
Que conseillez-vous à un prof qui voudrait quitter son métier ?
Je lui conseillerai de s’interroger sur les raisons de quitter ce métier. Est-ce pour réaliser un projet de vie, pour changer tout simplement ou pour fuir quelque chose ? Réaliser un projet de vie ou changer pour changer amène souvent une grande satisfaction personnelle, alors que fuir entraîne beaucoup plus d'incertitudes.
Je lui conseillerai également de savoir réellement l'objectif qu'il se fixe, et de bien réfléchir aux différentes stratégies à mettre en place pour sa réussite.
Pour finir, je lui dirai de ne pas avoir peur des échecs potentiels, car ils font partie intégrante du processus d’apprentissage et de se donner du temps pour réussir.
NDLR 2025: Sébastien a abandonné son projet "confidences de profs" pour saisir une opportunité qui lui était proposée par son réseau. Après avoir été Coach et réalisé de la formation à Aubervilliers de 2012 à 2014, lors de son cumul d'activité, il a sauté le pas définitivement vers le coaching en 2021 en rejoignant l'entreprise SKY CO comme Directeur pédagogique et formateur. Ce qui lui a permis de s'affranchir de l'impossibilité de quitter l'académie de Créteil en attendant en vain d'avoir le barème nécessaire pour sa mutation, pour rejoindre la belle région d'Aix-en-Provence où il réside et s'épanouit désormais.
Si toi aussi tu veux cesser d'enseigner et cherche des idées de reconversion, l'option IDEES a été conçue à cet effet. C'est un "tout en un" très apprécié de nos adhérents chaque année.
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