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Reconversion d'enseignant: Benoît HOGEDE, de professeur de Sciences à Photographe et Cinéaste


Ancien professeur de Sciences, Benoît HOGEDE est devenu photographe et vidéaste

 

Interview d’Alexandra MAZZILLI pour l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°153 de mai 2014 sur le Café Pédagogique.

 

Cette fois, c’est avec un photographe de talent que nous vous invitons à faire connaissance. Il s’agit de Benoit HOGEDE, ancien enseignant de sciences, qui a décidé de se réaliser pleinement en faisant de l’une de ses passions une activité professionnelle à part entière. Il nous offre un regard lucide sur un parcours professionnel fascinant !

 

Quelles études avez-vous suivies ?

 

Après mon bac (j’avais des facilités en mathématiques), j’ai suivi un cursus à l’école d’ingénieur des Arts et Métiers de Lille, de 1993 à 1998.

 

Pourquoi choisir le métier d’enseignant ?

 

Suite à cette école d’ingénieur, nous avons l’opportunité de devenir ingénieur dans le domaine industriel ou alors de choisir une activité professionnelle en lien avec le métier d’ingénieur bien sûr, mais proposant une autre approche. J’ai choisi d’enseigner en école d’ingénieur car les expériences professionnelles (stages) que j’avais connues pendant mes études ne m’avaient pas convaincu que je réussirais à m’épanouir dans ce métier d’ingénieur. J’avais déjà besoin à l’époque d’avoir un contact avec les gens, en l’occurrence les étudiants.

 

Quel a été votre parcours de carrière ?

 

J’ai pas mal bougé en tant qu’enseignant. Je suis restée enseignant de 98 à 2010. J’ai d’abord été enseignant en sciences de l’ingénieur sur Lille et en maths appliquées en école d’ingénieur. Puis j’ai enseigné en lycée où ma discipline de prédilection était l’étude des constructions et les sciences de l’ingénieur.

 

En 98, quand on avait un diplôme d’ingénieur en sortant d’une grande école, on pouvait être considéré comme maître auxiliaire ou délégué rectoral dans le privé. J’avais un statut d’assimilé, c’est-à-dire que j’avais la même rémunération que si j’avais obtenu un concours de l’enseignement mais sans la sécurité de l’emploi (j’avais un statut de contractuel).

 

J’ai quand même décidé de passer le concours, un CAFEP-CAPET en étude des constructions. Je suis originaire de Dunkerque dans le Nord. J’ai toujours beaucoup navigué en kite et en voile, je suis donc revenu habiter sur Dunkerque au bord de la mer pour enseigner en lycée.

 

A partir de 2006, on a appris qu’il y avait des restructurations au niveau de l’Education Nationale qui consistaient notamment à supprimer des matières techniques. L’Etude des constructions était amenée à disparaître peu à peu. On m’a fait comprendre que mon poste allait disparaître.

 

Je n’avais pas beaucoup de solutions : soit je me réorientais pour enseigner la technologie en collège, soit je décidais de me reconvertir pour faire autre chose. Ce n’est donc pas une démotivation face aux élèves qui m’a poussé à me reconvertir.

 

J’avais toujours été passionné de photographie et dès 2008, j’avais déjà pris la décision de commencer à travailler en photographie. L’objectif dès le début était de voir si je pouvais commencer à engrener un peu de chiffre d’affaire et de voir si je possédais l’œil et la fibre artistique nécessaires à un tel projet, en plus de la technique.

 

J’ai donc vécu une période de transition entre 2008 et 2010 en même temps que je finalisais ma sortie de l’Education Nationale. Depuis 2010, je ne vis plus que de la photographie. Ca marche suffisamment pour que je puisse en vivre comme une activité professionnelle classique. C’est un réel bonheur : depuis tout gamin j’ai une fibre artistique forte. Certes, j’avais des facilités en mathématiques, d’où mon cursus mais toute cette partie de moi qui ne s’exprimait qu’en maths faisait que je n’étais pas totalement « réalisé ».

 

NDLR 2025: Benoît HOGEDE est toujours photographe. C'est assez rare 11 ans après son départ, qu'un ancien professeur soit toujours dans l'activité choisir pour sa reconversion.

 

Quelles démarches avez-vous menées pour réussir votre reconversion ? 

 

J’ai demandé une disponibilité durant l’année scolaire 2010/2011 pour réfléchir sur la plausibilité de mon projet. Je n’ai rien touché financièrement pendant cette année. Je me suis formé réellement et parallèlement j’ouvrais mon entreprise en 2010. Je suis un autodidacte.

 

Je n’ai pas passé de concours. J’ai tout appris sur le tas à l’aide notamment d’échanges avec d’autres photographes. Le web permet des interactions intéressantes. J’ai appris avec un Américain de Cincinnati, un canadien, et avec des formations payantes prises en ligne. J’ai utilisé aussi des livres, des tutoriels. Je m’informais au fur et à mesure sur des exigences particulières que je pouvais avoir, sur le cadrage ou la lumière.

 

Ca faisait déjà un moment que j’étais dans le circuit de la photo. Je me suis spécialisé dans deux secteurs : celui du particulier et celui de l’entreprise. J’ai aussi rajouté un créneau en vidéos.

 

- Pour les particuliers, je propose des séances en studio, des portraits artistiques (mode, grossesse, nourrisson, scènes familiales, …). Je fais quelques mariages aussi.

 

- Pour les entreprises, je réalise des photos publicitaires, des plaquettes, des films de type corporate et des prises de vue pour les sites web, toujours avec un caractère artistique, un cadrage particulier,

 

En plus de tout cela, je travaille pour l’immobilier : je prends des photos pour des agences immobilières, je crée des visites virtuelles en haute définition, je publie dans les magazines immobiliers. J’ai également la chance de travailler en tant qu’intervenant extérieur dans un établissement scolaire pour encadrer des jeunes dans l’élaboration d’un journal télévisé. C’est un peu comme un retour aux sources car j’essaye de transmettre ma passion pour la photo et la vidéo aux élèves.

 

En 2011, j’ai officialisé ma démission définitive. Ca a été une démarche de deux ans pour réussir à obtenir mon IDV (Indemnité de Départ Volontaire). C’est une opération très compliquée à obtenir quand on est auto-entrepreneur.

 

Quelles compétences pensez-vous avoir acquises dans l’enseignement et transférables dans votre reconversion ?

 

C’est plutôt le quotidien du métier d’enseignant qui importe lorsqu’on veut se reconvertir. Le fait même d’exercer le métier d’enseignant : nous sommes beaucoup au contact des élèves, nous connaissons une véritable proximité et ouverture vis-à-vis d’eux et de leur énergie. Nous sommes sans cesse en questionnement face à eux : comment chaque individu est, quelle est sa problématique, son parcours quand il rentre dans la classe... D’avoir cette sensibilité, c’est essentiel dans mon métier de photographe.

 

C’était quelque chose d’important quand j’exerçais en tant qu’enseignant, j’étais très à l’écoute, et aujourd’hui, je suis toujours très centré sur la façon dont les gens qui viennent me voir appréhendent la séance ou la demande. Il me faut aller chercher l’émotion chez l’autre pour réussir une photo et c’est exactement ce que j’essayais de créer pédagogiquement : faire en sorte que la personne se sente bien, soit pour apprendre (j’ai toujours été très proche de mes élèves), soit pour se détendre face à l’objectif. Il y a une réelle synergie entre ces deux pans là. Comme je l’ai toujours fait en classe, j’ai pu le reproduire de façon professionnelle dans la photo.

 

Mon objectif : qu’il y ait toujours une valeur ajoutée à ma création.

 

Comment vous êtes-vous fait connaître pour acquérir une clientèle suffisante pour en vivre ?

 

J’ai travaillé sur plusieurs plans : tout d’abord, j’ai cherché à me faire connaitre au niveau local, en créant un site web avec un bon référencement (c’est un incontournable, c’est essentiel pour réussir), des cartes de visite en passant par une société de communication qui m’a aidé à définir mon identité visuelle. Bien sûr, allant de pair avec ça, j’ai créé une page Facebook professionnelle. Je fais beaucoup de communication marketing sur le web. C’est essentiel en 2014 !

 

En même temps, j’ai travaillé mon réseau : le bouche à oreille aussi est très important ! Ca aide à se faire connaître, j’ai appris à échanger avec d’autres entreprises, je travaille avec des boites de communication, on se donne du travail les uns les autres.

 

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans cette reconversion/seconde activité professionnelle ?

 

J’essaye de toujours avoir une pensée positive. Même en cas d’échec temporaire, je me dis toujours que je vais réussir, que ça va marcher. Il y a aussi une part de chance : j’ai toujours rencontré les bonnes personnes au bon moment. Je ne regrette absolument pas mon choix même si parfois ce n’est pas facile.

 

Quand on est enseignant, on a la sécurité de l’emploi mais comme m’a dit un jour mon père : « L’enseignement mène à tout à condition qu’on en sorte ». Désormais, j’ai la liberté, c’est sûr, par contre il faut que je me crée mes revenus et mon activité moi-même.

 

Que conseilleriez-vous à un enseignant qui souhaite réaliser une mobilité professionnelle hors de l’enseignement ?

 

Je lui conseillerai de bien étudier la faisabilité de son projet. On est en 2014 dans une conjoncture compliquée, pas très bonne, même si je n’aime pas parler de crise. Il faut avoir beaucoup de disponibilité car je ne compte pas mes heures même si la liberté permet de m’organiser comme je le veux pour profiter à maximum de ma famille notamment.

 

J’ai acquis de la liberté, ça n’a pas de prix mais au début du mois quand on n’est pas salarié, on n’a rien, zéro euro ! C’est un autre stress. Il est important de prendre son temps, d’avancer dans la douceur.

 

Je conseillerai aux personnes qui veulent se lancer de commencer pendant qu’on enseigne encore. Enfin, il faut être proche de son client. Avant, on disait que le client était roi, aujourd’hui on peut dire qu’il est empereur.

 

C’est donc mon dernier conseil : rester à son écoute toujours en étant très professionnel. Il faut se centrer sur le client, c’est très important car c’est lui qui véhicule votre image de marque et sa satisfaction vaut tout l’or du monde tout d’abord au niveau humain puis ensuite au niveau professionnel.

 

Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur l’école de la République ?

 

Je porte un regard qui n’est pas très positif. Il y a de très bonnes idées en interne, dans les établissements scolaires, qui n’arrivent pas à émerger car les têtes pensantes scient la branche sur laquelle le corps éducatif est assis sans qu’il ne puisse rien y faire. En interne on a les ressources, les compétences et les idées. On a également une excellente vue du terrain, des besoins, des nécessités.

 

C’est un peu comme si on avait de bons officiers de terrain dans l’armée mais des commandants inaptes et loin des opérations au-dessus. Le fonctionnement de l’Education Nationale est descendant alors qu’il devait être ascendant. Je garde néanmoins de très bons souvenirs de mes années d’enseignement, j’avais notamment de très bonnes relations avec mes collègues, mes élèves, mes directeurs, et ce fut pour moi des années professionnelles merveilleuses. Mais il y a trop de dysfonctionnements : chaque politique veut imprimer sa marque et les gamins en pâtissent au bout du compte. Les profs également…

 

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Un aperçu de la diversité de son travail, film promotionnel conçu il y a 12 ans:


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