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Reconversion d'enseignant:Philippe VANROOSE, instituteur devenu Directeur du développement de produits et services


Ancien instituteur Philippe VANROOSE a rejoint une société de gestion et d'animation des équipements à vocation sportive, touristique et culturelle

 

Interview d’Alexandra MAZZILLI pour l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°152 d’avril 2014 sur le Café Pédagogique.

 

Ancien enseignant, Philippe est en 2014 « directeur du développement des produits et des services » de la Société Vert Marine. Recruté au départ pour concevoir des projets et des documents pédagogiques, ses fonctions se sont depuis élargies. Même si la classe lui manque parfois, il est épanoui et heureux de ses choix.

 

Quelles études avez-vous suivies et pourquoi êtes-vous devenu enseignant ?

 

Après le baccalauréat j'ai passé le concours d'entrée à l'Ecole Normale d'Instituteurs de Rouen car c'était tout simplement le métier que je souhaitais exercer. Ce n'est qu'ensuite, à l'âge de 40 ans, que je me suis engagé dans la reprise d'études universitaires en Master Ingénierie de la formation.

 

Quel a été votre parcours de carrière dans l'Education Nationale ? Comment se sont passées vos premières années ?

 

Instituteur remplaçant, puis titulaire, j'ai rapidement passé le certificat d'aptitude aux fonctions d'instituteur maître formateur (CAFIMF) option éducation physique et sportive. Je suis alors devenu maître formateur en école d'application avant d'occuper successivement des postes de conseiller pédagogique de circonscription (CPC) et de conseiller pédagogique départemental (CPD) pour l'éducation physique et sportive.

 

Cette carrière a été aussi jalonnée par différentes missions : conseiller technique du recteur de l'académie de Rouen pour l'innovation pédagogique dans le premier degré, chargé de mission par le ministère de l'éducation nationale pour la mise en place et le suivi de la filière sportive des collectivités territoriales.

 

Que vous a procuré votre métier d'enseignant ?

 

Beaucoup de bonheur : j'adorais enseigner ! Le fait d'avoir été confronté très tôt aux problématiques de formation m'a permis des rencontres professionnelles très riches et a présenté l'opportunité d'acquérir de nouvelles compétences.

 

Quel est le déclic qui vous a fait quitter les élèves ?

 

Comme je vous l'ai précisé, j'adorais enseigner. Ce n'est pas la démotivation qui a engendré cette seconde carrière mais un projet d'entreprise qui m'a séduit. Je connais les deux dirigeants associés de la société Vert Marine depuis la création de cette société en 1992. Nous sommes toujours restés en contact, et c'est en 2007 que la bascule s'est opérée. L'emploi proposé correspondait plutôt bien à mes compétences. La promesse de pouvoir mener à bien des projets que je ne pouvais plus conduire au sein de l'éducation nationale, faute de moyens, a été fondamentale dans ma prise de décision. De plus, le principe de travailler pour une société œuvrant pour les collectivités en délégation de service public ne m'a pas paru incompatible avec les idéaux qui m'avaient conduit à m'engager dans la fonction publique

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En quoi consiste votre activité ?

 

En qualité de directeur du développement des produits et des services, j'ai pour mission de concevoir, ou d'optimiser, des concepts ayant un impact positif sur l'image de la société et d'en développer le chiffre d'affaires. Initialement recruté pour la conception de projets et de documents pédagogiques (voir la rubrique pédagogie du site internet), il m'a ensuite été proposé ce poste aux fonctions élargies.

 

J'ai notamment été amené à concevoir de nouvelles activités d'aquagym et de les structurer de manière à enrichir et harmoniser les pratiques au sein des établissements que nous gérons… de définir les contenus d'une école de natation dont les activités dépassent largement l'initiation et le perfectionnement des nages (sauvetage, natation synchronisée, water-polo, natation subaquatique…) en cohérence avec notre vocation tout en nous différenciant des activités fédérales… de travailler sur la politique tarifaire de nos différents produits et services…de développer une carte cadeau spécifique à l'entreprise… et tout dernièrement de présenter un concept d'activité permettant au public handicapé et/ou souffrant d'une perte de motricité des membres inférieurs de découvrir ou de redécouvrir les plaisirs de la glisse en milieu aquatique (voir la vidéo à l'adresse suivante. Tous ces projets m'ont d'acquérir au sein d'une équipe pluridisciplinaire des compétences dans des domaines qui m'étaient jusqu'alors inconnus : le marketing, la communication…

 

Quelles compétences pensez-vous avoir acquises dans l'enseignement, utiles dans votre reconversion ?

 

Sans nul doute, le fait d'avoir été un enseignant polyvalent m'a été d'une aide précieuse car cela conduit à entrevoir les choses de façon plus systémique que l'enseignement mono-disciplinaire. La conduite de projet et le développement de relations partenariales ont aussi été des atouts précieux.

 

Comment s'est passée concrètement votre reconversion ? 

 

Je connais cette société depuis sa création. J'ai toujours conservé des relations amicales avec ses dirigeants avec lesquels nous avons à plusieurs reprises évoqué l'éventuel projet de travailler ensemble. Cela s'est concrétisé en octobre 2007, période depuis laquelle je suis en disponibilité. Je dois d'ailleurs remercier l'Inspecteur d'Académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de la Seine-Maritime, d'avoir accepté ma demande alors que le calendrier ne s'y prêtait pas.

 

Comment s'est effectuée la prise en charge de votre formation ? 

 

Je n'ai suivi aucune formation spécifique, mais j'avais quelques années auparavant bénéficié d'un bilan de compétences. Ce qui m'a permis de faire le point sur les connaissances et compétences acquises depuis de nombreuses années et d'entrevoir de possibles orientations professionnelles. Le fait d'avoir été auteur et co-auteur de différents ouvrages et articles pédagogiques ont facilité la conception et la rédaction de projets.

 

Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées dans votre reconversion ? 

 

Arriver dans une entreprise en étant directement rattaché à la direction générale de celle-ci ne laisse pas indifférents les collaborateurs déjà en place dont certains sont des « cadres historiques » qui ont connu toutes les étapes de développement de la société. Il faut rassurer, répondre aux curiosités, apaiser les suspicions…

 

Aujourd'hui, avez-vous des regrets du métier d'enseignant ? 

 

Le face à face « pédagogique » avec les élèves me manque parfois : j'aimais cela. Même si je l'ai compensé en étant partiellement chargé d'enseignement à l'université et dans un CFA, la « vie de classe » est une réalité, et une richesse, qui n'existe que dans l'enseignement du premier degré. Concevoir et bâtir des liens entre toutes les disciplines représente une opportunité que l'on ne retrouve pas ailleurs.

 

Personnellement, je n'ai jamais été très attaché au calendrier des vacances scolaires et n'ai jamais conçu mon travail en termes d'horaires à respecter.

 

Mes revenus sont supérieurs et mes conditions de travail sont meilleures mais dépendent de mon efficacité et non de mon ancienneté : il n'y a pas d'avancement en fonction du barème, et cela me convient très bien. Le fonctionnement d'une entreprise n'est pas linéaire et cela entraine de fait des périodes de fatigue et de stress périodiquement plus élevées.

 

Que conseilleriez-vous à un enseignant qui souhaite réaliser une mobilité professionnelle hors de l'enseignement ?

 

La recherche d'une augmentation de revenus ne peut en aucun cas, de mon point de vue, suffire à s'engager dans une seconde carrière. Il me semble indispensable de faire objectivement et positivement le bilan de sa situation professionnelle et personnelle : que vais-je « gagner » de plus en regard de ce que je « possède » actuellement ? Il ne faut pas négliger non plus les aspects économiques liés au monde l'entreprise : la notion de rentabilité est fondamentale. Dans mon quotidien je n'évacue jamais le fait qu'il y a près de 2 000 salaires à verser en fin de mois.

 

Aujourd'hui, quel regard portez-vous sur l'école de la République ?

 

Je demeure un farouche défenseur de l'école de la République et de ses « serviteurs ». Je propose régulièrement à ses pourfendeurs de s'essayer au métier d'enseignant et de se mesurer ainsi aux difficultés qui y sont associées.

 

Ce qui me peine le plus c'est de constater la situation de souffrance dans laquelle se trouve d'anciens collègues ou enseignants que je côtoie. Les instituteurs et professeurs des écoles que je me plais à qualifier de « maître d'école » sont ceux qui méritent plus particulièrement plus de reconnaissance : leur disponibilité et leur engagement sont sans limite. Je serais tenté d'être moins complaisant à l'égard de ceux du second degré.

 

Je suis issu d'une famille modeste et je n'oublierai jamais ce que je dois à l'école de la République même s'il me semble que celle-ci joue moins actuellement son rôle d'ascenseur social.

 

Il y a 11 ans cette vidéo a été tournée alors que Philippe VANROOSE travaillait dans la Société Vert-Marine, on le voit de temps en temps à l'écran :

 


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