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Parcours d'enseignante: Danièle ADAD, professeur des écoles devenue formatrice et éditrice, puis comédienne, chanteuse...


Danièle ADAD, professeure des écoles devenue formatrice de nouveaux enseignants est conceptrice des éditions de l'arbre d'icchä

 

Interview de Rémi BOYER pour l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°144 de juin 2013 sur le Café Pédagogique.

 

Pourquoi avez-vous eu envie de devenir enseignante ? Qu'est-ce qui permet de réussir dans ce métier et d'y rester enthousiaste sur le long terme ?

 

Je n'ai jamais eu envie de devenir enseignante. C'est au départ un très grand hasard. Je m'étais inscrite en faculté et comme j'ai eu d'autres projets, j'ai passé tous les concours pour pouvoir être autonome financièrement. Dès la prise en charge de ma deuxième classe, j'ai songé à démissionner. Et puis, j'ai essayé encore une année. Pendant 5 ans, je n'ai pas éprouvé beaucoup de plaisir à faire ce métier, et puis, d'un coup, le déclic... c'est devenu une vraie vocation. Comme je n'avais pas d'aspirations initiales, je n'ai pas été déçue !

 

Quel a été votre parcours de carrière jusqu'ici, et quelles compétences pensez-vous avoir développées ?

 

Après 15 ans d'ancienneté en tant qu'institutrice, j'ai passé le concours professeur des écoles, puis le CAFIPEMF. Depuis 10 ans, je suis mise à disposition de l'IUFM, à mi-temps d'abord, maintenant à temps plein. J'ai enseigné en cycle 3 et en cycle 1 et j'interviens auprès des étudiants en master 1 et 2. Je passe maintenant le Master 2 "éducation et métiers de l'enseignement du premier degré" en validation des acquis.

 

De ce métier directement, j'ai développé des compétences sociales (écoute, dialogue, gestion de problèmes familiaux, ...), et des compétences d'adaptabilité par rapport à la gestion de l'inconnu (changement d'école, de niveau, poste de ZIL sur remplacements courts), et également par rapport à la gestion des contenus à enseigner, notamment en formation initiale et continue.

 

Ensuite, pour ce métier et en fonction de ma personnalité, j'ai développé des compétences informatiques (mise en page, retouche d'images, montage vidéo), et j'ai appris à concevoir et mettre en œuvre des projets à plus ou moins long terme, seule ou en dirigeant une équipe, avec ma classe ou avec toutes les classes de mon école voire de mon groupe scolaire. Ce métier m'a donné une soif d'apprendre et une très grande curiosité pour comprendre les différentes stratégies d'apprentissage.

 

En quoi consiste la formation du CAFIPEMF et vers quels emplois mène-t-elle ?

 

Le CAFIPEMF est un certificat d'aptitude aux fonctions d'instituteur ou professeur des écoles maître formateur. Cette épreuve se passe en deux parties :

 

1. L'admissibilité consiste à présenter à un jury de 5 personnes (2 IEN dont celui de notre circonscription, 1 maître formateur, 1 conseiller pédagogique, 1 professeur d'IUFM) deux séances de 45 minutes dans sa classe. Ce qui est évalué est la faculté de mise à distance et d'analyse de pratique au cours de l'entretien qui suit cette observation en classe. Il s'agit d'être clair et explicite dans les réponses aux questions pour montrer son aptitude à renseigner les jeunes collègues.

 

L'admission se passe en deux temps. Dans un premier temps, le candidat au CAFIPEMF se mettra en situation de formateur et sera observé par le même jury lors de son entretien avec le jeune collègue ou lors de l'animation pédagogique qu'il dispensera (ceci au choix du candidat).

 

2. Dans un deuxième temps, un entretien avec le jury lui permettra de répondre aux questions concernant ce temps de formation et de soutenir le mémoire rendu au préalable. Une formation à l'épreuve est proposée le mercredi au sein de l'IUFM.

 

Ce certificat d'aptitude est très éprouvant au niveau émotionnel et demande beaucoup de travail de recherche et de remise en question. C'est très éprouvant, mais aussi très porteur, enrichissant et intéressant. Le CAFIPEMF est nécessaire pour accéder à différents postes dans l'éducation nationale : maître formateur, conseiller pédagogique généraliste ou spécialisé, maître formateur à disposition de l'IUFM, inspecteur de l'éducation nationale, ...

 

Vous avez publié de nombreux ouvrages: avez-vous le sentiment d'avoir ainsi exercé une seconde carrière en parallèle, qui a maintenu votre passion de l'enseignement ?

 

Au départ, je ne pensais pas exercer une seconde carrière puisqu'il s'agissait d'ouvrages pédagogiques à destination des enseignants et que ma motivation était de continuer à diffuser ce que j'avais compris, appris, testé. Par exemple, mes deux premiers livres édités chez Chronique Sociale et intitulés "Lire pour écrire, écrire pour grandir" et "Professeur stagiaire, s'intégrer et réussir" témoignent de ma pratique de projets d'écriture de la petite section au CM2 et s'adressent aux professeurs en poste à temps plein pour des projets longs ou aux anciens PE2 pour mener des projets sur une courte période durant leurs stages. Ou encore, les livres de français en étude de la langue ou en livre unique chez Bordas pour le cycle 3, partagent des supports que j'ai mis en œuvre et des modalités pédagogiques originales, notamment dans le livre du maître. Alors que pour Vuibert, je continue à aider à la préparation du CRPE, en participant à la rédaction de sujets et à leur corrigé.

 

Les retours sont souvent positifs notamment par mes étudiants qui testent une pédagogie de projet en stage groupé ou filé. Ce travail de publication est donc complémentaire à mes différentes missions au sein de l'IUFM et c'est une autre façon de former les professeurs. Cependant, je me rends compte aujourd'hui que le passage des concours successifs (professeur des écoles, CAFIPEMF, M2) et ces publications m'ont permis de porter un nouveau regard sur ma classe et sur l'enseignement en général. Je suis le plus souvent en analyse de pratique et en expérimentation, et les problèmes qui s'élèvent, quels qu'ils soient, m'intéressent et m'interrogent. Cette mise à distance a participé, je pense, à maintenir ma passion de l'enseignement.

 

Vous avez créé votre maison d'édition, pouvez-vous nous en dire plus ? 

 

Une des qualités que j'ai développée au cours de mon parcours est la persévérance. Quand j'ai enseigné en maternelle et notamment en petite section, j'ai été scandalisée par les pratiques d'évaluation mises en œuvre dans la plupart des écoles desquelles je faisais partie ou dans lesquelles je suis passée en tant que formateur. J'ai donc conçu et testé un outil permettant de mesurer les progrès des enfants de 2 à 6 ans et mon prototype a vraiment bien fonctionné avec mes élèves de petite section. Alors, quand je l'ai proposé aux éditeurs qui me publient déjà et que ce projet a été refusé parce que ce genre d'outil devait être conçu en équipe, convaincue de sa pertinence et de son utilité, j'ai décidé de le publier moi-même.

 

Pour cela, avec un statut d'auto-entrepreneur, j'ai une enseigne qui me permet d'éditer. J'ai investi la somme qui me permettait d'imprimer en un petit nombre d'exemplaires, par rapport à de grosses maisons d'édition, j'ai trouvé un partenaire graphiste maquettiste qui a accepté d'être rémunéré en droit d'auteur pour la mise en page de mon prototype, et c'est parti ! Je diffuse, je distribue, je m'occupe de la communication.

 

Aujourd'hui, il y a deux titres au catalogue d'Arbre d'Icchä :

 

Mon album de réussite - tout ce que je sais faire en maternelle

 

Le guide de l'enseignant qui propose une réflexion sur l'évaluation et une construction d'outils en équipe pour une évaluation essentiellement formative. 

 

NDLR 2025: Danièle ADAD a produit seule ou avec d'autres auteurs de nombreux ouvrages pour les professeurs des écoles.

 

Pensez-vous pouvoir en vivre un jour à plein temps, en ferez-vous réellement votre seconde carrière ?

 

J'aimerais pouvoir éditer d'autres ouvrages pour la maternelle, autour de la gestion des émotions. En fonction de l'accueil réservé aux titres déjà édités, je pense que je pourrai en vivre un jour à temps plein, et si c'est le cas, en faire ma seconde carrière. Cependant, le contact avec le terrain et la formation des enseignants me nourrissent et me passionnent. Une seconde carrière ? Oui... en gardant un pied dans les écoles et dans les classes, d'une manière ou d'une autre !

 

Que conseilleriez-vous à un étudiant qui souhaite s'orienter vers l'enseignement, quelles qualités faut-il pour ne pas souffrir dans ce métier parfois éprouvant ?

 

Il me semble qu'un étudiant qui souhaite s'orienter vers l'enseignement par passion a souvent une idée préconçue de la fonction d'enseignant et a surtout une motivation très personnelle qui le guide.

 

Je pense que ce sont ces deux phénomènes qui créent de la souffrance, parce que beaucoup d'espoir, d'attente, de peur, et de déception. Il est important à mon sens de prendre de la distance et de savoir, dès le départ, la véritable définition d'enseigner... enseigner englobe tous les métiers du monde !

 

De l'assistante sociale au déménageur en passant par le psychologue, le gendarme, le chef de projet, l'infirmier, le secrétaire, et j'en passe... Ce métier est éprouvant parce qu'il associe le personnel et l'affectif au professionnel. Je trouve fondamental d'apprendre à gérer cette association incontournable et de réussir à faire parfois la part des choses. De l'affectif ? Oui, mais sans se sentir personnellement touché.

 

Pour être heureux d'être enseignant, je propose de mettre ses propres passions au service de son enseignement, de focaliser son attention sur ses réussites, si petites soient-elles, et d'en être fier, d'accepter de ne pas être infaillible, d'accepter l'échec, d'être confiant sur le fait que si les résultats ne sont pas visibles immédiatement, des graines sont semées, vont germer, et qu'un jour, ça portera ses fruits.

 

Je propose d'avoir la certitude, même si nous sommes seuls face à notre classe, sans travail d'équipe, sans caution des parents, sans assez de temps... que chacune de nos actions est extrêmement importante dans notre cercle d'influence. Être enseignant peut rendre heureux !

 

NDLR 2025: Depuis cette interview il y a 12 ans, nous sommes restés en contact avec Danièle ADAD. Elle a diversifié ses expériences pédagogiques, a multiplié les ouvrages, et nous lui avons consacré sur notre site DEVENIR PROF toute une rubrique tellement elle sait transmettre sa passion de l'enseignement aux nouvelles générations d'étudiants.

 

Nous avons aussi contribué à la promotion de son spectacle qui se produit cet été depuis le 3 juillet jusqu'au 27 juillet 2025 à Paris, mis en scène par Hervé LEWANDOWSKI.

 

Elle s'est aussi formée en famille avec ses enfants à la chanson. Danièle déborde de dynamisme communicatif !

 

SON SITE WEB

Les conseils de Danièle ADAD à un jeune professeur des écoles

Danièle donne aussi des conseils pour apprécier d'être prof

Danièle anime une chaîne You Tube suivie par plus de 19.100 followers


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