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Sonia, 33 ans en 2011, professeur des écoles, est devenue auto-entrepreneuse en réflexologie plantaire en cumul d'activités


Sonia, 33 ans au moment de l'interview,, professeur des écoles, est devenue auto-entrepreneuse en réflexologie plantaire. 

 

Interview de Rémi BOYER pour l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°121 de mars 2011 sur le Café Pédagogique.

 

Quelle a été sa première carrière avant de devenir prof ?

 

Après un Bac S et un DUT de Biologie Appliquée, Sonia réalise en 1999 une année de spécialisation en cosmétique pour travailler dans ce domaine qui la passionne. Sa première expérience la conduit dans un petit laboratoire de fabrication où elle devient technicienne de laboratoire pour travailler sur des bases de crèmes et y ajouter des agents actifs. Au bout d’un an, consciente qu’il n’y avait pas de promotion professionnelle possible, elle démissionne et intègre durant un CDD de 6 mois un laboratoire de cosmétique dans le secteur de l’industrie pharmaceutique. Technicienne de laboratoire à nouveau, elle gérait seule les essais en laboratoire pour améliorer les produits existants vendus par le groupe LIPHA-MERCK. Mais une restructuration conduit à la fermeture de son service et c’est la fin de son CDD, et elle connaît alors 4 mois de chômage puis décroche un emploi en CDD dans une entreprise de tests de produits cosmétiques sur des volontaires. Elle est chargée de l’analyse des données et rédige des rapports d’efficacité sur tel ou tel produit. Le CDD se poursuit et elle restera 18 mois dans cette nouvelle entreprise. Nous sommes alors en 2002, et Sonia rêve de stabilité professionnelle…

 

Comment se produit le déclic pour devenir enseignante ?

 

Dans chacun des emplois qu’elle a occupés, Sonia a fait preuve d’une grande capacité d’adaptation, en apprenant très vite les nouvelles techniques et logiciels à employer, générant rapidement un ennui lié à la routine des taches pratiquées. Ses emplois en CDD l’obligeaient à de nombreux déplacements.

 

Comme un membre de sa famille préparait le concours de professeur des écoles, Sonia s’est dit « et pourquoi pas moi ? ». Dans un premier temps, elle a postulé comme surveillante. Acceptée, elle démissionne donc de son travail en laboratoire et travaille 18h en collège, sur 3 jours par semaine, lui laissant assez de temps pour préparer le CREP en candidat libre, en utilisant la préparation fournie par le CNED. Sonia passe le concours deux années d’affilée et l’obtient en mai 2004. La deuxième année, Sonia a délaissé la préparation du CNED en optant pour des cours du soir avec le CUEFA. Cette formation en lien avec le CNAM présente pour elle l’avantage d’être plus concrète, car ce sont des enseignants et des inspecteurs de l’Education nationale qui dispensent les cours, et elle estime avoir été bien mieux préparée au concours de cette manière. 

 

Comment s’est déroulée sa formation à l’IUFM ?

 

Elle suit la formation de septembre 2004 jusqu’en janvier 2005, pour ensuite la reprendre et la terminer de septembre à décembre 2005 au cours d’un report de scolarité, modalité prévue en cas de grossesse durant l’année de formation. Elle réalise son premier stage pratique de 15 jours en classe de CM1-CM2, puis son « stage filé » pour rédiger le mémoire demandé par l’IUFM. Il s’agit d’un mois en classe à raison de deux demi-journées par semaine en binôme avec l’enseignement d’une matière, pour des mises en pratiques de séquences préparées. Une fois terminée en décembre 2005, après 3 stages et un stage terminal, Sonia est affectée comme remplaçante en janvier 2006.

 

Comment Sonia a-t-elle vécu son nouveau métier ?

 

Affectée comme titulaire remplaçante (TZR), elle découvre vite qu’enseigner 26h par semaine exige un travail personnel dévoreur de temps à la maison, sans compter les temps de correction, les entretiens avec les parents d’élèves, la réalisation des projets internes à l’école (manifestations sportives, fêtes de fin d’année scolaire, etc.), tandis que ses remplacements s’effectuent sur plusieurs niveaux, et parfois sur des postes de direction d’école à assumer par intérim.

 

Elle est même amenée à intervenir durant 3 mois en collège, dans des classes de SEGPA, en 6e, 5e, et 4e avec des adolescents de 12 à 15 ans en très grandes difficultés scolaires et en UPI, Unité Pédagogique d’intégration, qui accueille les élèves porteurs de handicap ou de maladies invalidantes. Il arrive en effet que ces postes spécifiques qui demandent normalement une qualification particulière sanctionnée par un examen, le CAPA-SH, soient temporairement attribués aux TZR.

 

Le quotidien en classe est très difficile, même si l’équipe des enseignants est sympathique et solidaire. Très rapidement, Sonia s’interroge sur sa résistance sur le long terme dans cette profession qu’elle n’imaginait pas aussi éprouvante physiquement. Elle s’aperçoit aussi qu’étant donné la complexité des opérations de mutation chez les professeurs des écoles, il lui faudra 15 ans au moins avant d’obtenir un poste fixe, les postes en écoles de campagne –plus « tranquilles » - étant très prisés au sein de la profession. « Faire la classe en école primaire exige d’être hyper réactive, très organisée et toujours en action ». Chaque année d’enseignement devient rapidement un parcours du combattant…

 

A-t-elle rencontré de la solidarité parmi les enseignants des écoles ?

 

« Le fait d’être TZR génère peu de contacts car les interventions dans les écoles sont ponctuelles ». On se sent isolée, et les rares occasions où elle peut évoquer ses difficultés, ses collègues indiquent que « c’est normal, c’est le début… ». Tous semblent avoir traversé cette période de charge de travail importante.

 

Comment Sonia tente-t-elle de conserver sa motivation ?

 

A la rentrée 2007, elle obtient un poste de TRS, Titulaire Remplaçant de Secteur. Il s’agit en fait d’enseignants affectés sur les compléments de temps partiels des autres collègues ainsi que sur les classes des directeurs et directrices d’école lorsque ceux-ci effectuent leur journée administrative. Ces postes offrent l’avantage de connaître à l’avance le/les niveaux d’enseignement, le/les lieux d’intervention et ce pour une année scolaire entière. Sonia partage donc sa semaine sur trois écoles, avec une journée en CM1-CM2, une journée en MS-GS de maternelle et deux journées en PS de maternelle. Depuis septembre 2008, Sonia travaille toujours comme TRS, mais à mi-temps et mûrit un projet « d’autre chose »…

 

Quelles compétences pensait-elle alors avoir développées ?

 

« Je savais m’adapter, j’ai appris à m’exprimer devant un groupe à haute voix alors que j’étais introvertie auparavant. J’ai appris le travail en équipe, surtout en SEGPA avec des réunions deux fois par mois pour échanger sur les progrès et les difficultés des enfants. J’ai participé à quelques projets pédagogiques également ».

 

Et durant sa première carrière, quels étaient ses acquis ?

 

« J’ai toujours été débrouillarde, autodidacte. Je sais me présenter de manière claire et j’ai des qualités rédactionnelles qui m’aident à mettre en mots ce que je souhaite partager. »

 

Quand est né le projet de reconversion et en quoi consiste-t-il ?

 

« Peu à peu me projeter vers un avenir meilleur dans mon métier d’enseignante était de plus en plus difficile. C’est à partir de ce moment là que j’ai envisagé de prendre une autre voie … Je n’ai pas fait de bilan de compétences.

 

J’ai réfléchi à ce que je voulais vraiment en prospectant en lien avec mes passions. Je souhaitais faire d’un de mes centres d’intérêt un métier. Formée en biologie et attirée par l’univers de la santé, particulièrement les médecines naturelles, je me suis alors laissée tenter par une formation en naturopathie. En 2008-2009, je n’avais qu’une idée en tête : me donner les moyens de changer. Après 9 mois de prospection, j’ai trouvé une école proposant un bon compromis : un enseignement à distance et en week-end pour une formation de 18 à 24 mois. J’ai pu préparer ma reconversion, tout en conservant mon poste de professeur des écoles à mi-temps, condition sine qua none à la réalisation de mon projet. Dans le cadre de cette formation, j’ai pu m’inscrire à un module de réflexologie plantaire qui m’a passionnée

 

Quand Sonia a-t-elle entrepris de pratiquer son activité ?

 

« En septembre 2010, après avoir téléphoné à l’inspection académique pour connaître la procédure, je leur ai écrit sur papier libre. J’ai demandé à bénéficier d’un cumul d’activités. Mon courrier expliquait mon projet, le temps que je pensais y consacrer, et le statut d’auto-entrepreneur que j’avais décidé d’adopter pour développer cette activité. J’ai bien précisé qu’à terme, mon objectif était de quitter l’enseignement. Un mois plus tard, je recevais le courrier officiel me donnant l’autorisation d’exercer ma deuxième activité pour une année scolaire, renouvelable sur demande, mais pour un temps limité.

 

Je me suis alors inscrite sur internet comme auto-entrepreneur dans le domaine des activités de services et en profession libérale ». « J’ai rapidement trouvé un local. J’ai souhaité réaliser un site internet pour faire connaître la réflexologie plantaire et pouvoir parler de mon travail. Je me suis lancée seule à l’aide d’un logiciel très pratique (ToWeb), que j’ai acheté à moindre frais sur conseil avisé d’un collègue professeur des écoles. En deux semaines environ, après de nombreuses heures de travail, mon site était prêt à mettre en ligne. J’ai aussi travaillé seule sur mes supports de communication : logo, affiche, carte de visites et flyers, qu’il a fallut ensuite diffuser largement (pharmacies, instituts de beauté, cabinets de médecins-homéopathes, etc) »

 

Quelles compétences Sonia met-elle en œuvre dans cette nouvelle activité ?

 

« Je vais au-devant des autres. J’explore le maximum de pistes, j’apprends à me mettre en avant, à parler de ce que je fais. Je mène un travail d’information sur la réflexologie plantaire ».

 

Est-il possible d’en vivre ?

 

« Pas encore, mais grâce aux premiers patients qui m’accordent leur confiance, cela me donne l’équivalent d’un quart de temps, ce qui correspond à l’objectif que je m’étais fixé. Je sais que mon activité est en plein développement, et qu’il faut que je sois patiente en me donnant un peu de temps pour développer ma patientèle. Cela se fait essentiellement par le bouche-à-oreille. J’ai hâte de pouvoir en vivre et d’exercer ce métier à temps complet, pour vivre une autre vie, m’épanouir pleinement, m’enrichir de rencontres, car ce métier est à la fois passionnant et très valorisant. Il m’apporte satisfaction personnelle, confiance en moi et en mon travail de praticien de santé-réflexologue. »

 

Aux dernières nouvelles, Sonia a cessé son activité de Réflexologue. La raison ? Un métier plus physique qu'elle ne l'avait imaginé au départ. Tu trouveras la suite de son parcours dans une de nos prochaines interviews...

 


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