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Etre IA-IPR : missions, responsabilités, promotions. témoignage d'éric LARCHER


Etre IA-IPR : missions, responsabilités, promotions

Interview de Rémi BOYER pour l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°102 de avril 2009 sur le Café Pédagogique.

 

Témoignage d’Eric Larcher

 

« Le concours d’IA-IPR, c’est un concours un peu « bidon », car tout est déjà joué d’avance, puisqu’il faut avoir été en amont repéré par un IA-IPR qui vous propose de rejoindre ce corps.

 

On m’a sollicité et je me suis donc présenté. Comme ma première affectation ne m’a pas plu, je l’ai refusée, ce qui a surpris le rectorat. L’année d’après, le recteur m’a proposé trois options et j’ai choisi une région que je connais bien : Reims. Ce choix m’a évité de perdre beaucoup de temps dans les déplacements, puisque, avant l’époque du GPS, l’IA-IPR utilisait la carte Michelin…car le rectorat ne songe même pas à lui fournir un plan de situation des établissements où il doit se rendre pour ses évaluations d’enseignants.

 

La fonction d’IA-IPR est très intéressante, car elle touche à la chose pédagogique, et permet d’apprécier de quelle manière est conduite la pédagogie dans les différents niveaux d’enseignement.

 

En général, je réalisais 5 inspections quotidiennes, et mon horaire s’étendait de 8h à 19h en moyenne. Chaque année, j’ai réalisé de 100 à 110 inspections, alors que la moyenne dans le domaine technologique est de 50 à 60. Je prenais des notes sur mon portable pour aller plus vite, et je prenais aussi des photos de mise en situations pédagogiques pour mieux rédiger mes rapports. Pour l’enseignant, l’inspection est signe de promotion potentielle.

 

L’IA-IPR, pour établir sa note, se forge une opinion sur la valeur pédagogique de l’enseignant à partir de ce qu’il constate :

- le caractère novateur de ses rapports avec les élèves,

- la diversité de ses activités,

- la qualité relationnelle avec les élèves.

 

On faisait une proposition de note. La note pédagogique est sur 60 points, et la note administrative sur 40 points. Cette dernière n’avait pas beaucoup de poids dans la progression d’un échelon à l’autre, puisque la fourchette est très étroite entre le début et la fin de carrière : personne ne démarre à 0. La note de départ est de 32 environ, et à partir du 6e échelon, il n’est pas rare d’être déjà à 38, ce qui n’a que peu d’incidences sur la progression de carrière ensuite. Pour ce qui est de la note pédagogique, celle que nous attribuons est ensuite moyennée par le rectorat, encadrée strictement dans des fourchettes liées aux échelons.

 

On s’arrange pour que le dernier échelon soit atteint juste avant la retraite.

 

Je regrette qu’il soit si difficile de faire prendre en compte, dans ces fonctions d’évaluation, la valeur professionnelle de l’enseignant, afin de valoriser son investissement pédagogique dans des projets par exemple. J’ai toujours eu des difficultés pour ma part, même pour de très bons enseignants, à leur obtenir des HSE pour faciliter leurs projets. Pour valoriser les bons profs, sur le plan budgétaire, c’est le dénuement complet : il n’y a pas de budget, pas de moyens. Alors, à quoi bon faire des inspections si l’on n’a pas de moyens à donner ensuite ?

 

Un IA-IPR peut ensuite accéder – c’est dans un décret de 1990 - à des fonctions tout aussi passionnantes : devenir conseiller de recteur en occupant l’une de ces fonctions :

- Délégué Académique à la Formation Continue (DAFCO),

- Délégué Académique à l’Enseignement Technique (DAET),

- Chef du Service Académique à l’Indormation et l’Orientation (CSAIO),

- Directeur de Centre Régional de Documentation Pédagogique (CRDP).

 

J’ai pour ma part répondu à Reims à un appel à candidatures paru sur le site Evidens. Etre conseiller de recteur est important, car le Recteur est un universitaire et très peu connaissent les spécificités de l’enseignement secondaire, et encore moins du Primaire. Leur représentation est fort éloignée du terrain. Un recteur ne reçoit pas de formation quand il est affecté, il est censé être opérationnel immédiatement, et il va donc se reposer sur une équipe qui connaît le terrain. Le recteur est assisté par un directeur de cabinet (le « Dircab ») qui est son contact avec le monde extérieur et filtre ses rendez-vous. Lorsque l’on est conseiller de recteur, on explique d’abord les difficultés qu’il peut y avoir dans l’académie, les réussites aussi, on prépare les visites du recteur pour rencontrer ici et là des équipes pédagogiques, on suggère aussi, par des notes de synthèse, des améliorations. Cette fonction m’a beaucoup plu, car j’étais autonome et je n’avais qu’un seul patron. J’ai regretté qu’entre le DAFCO et le DAFPIC (Délégué Académique à la Formation Professionnelle Individuelle et Continue) il existe si peu de concertation. L’offre de formation dans une académie est loin d’être un continuum : tout est segmenté, les conseillers techniques travaillent un peu trop souvent chacun de leur côté, sans concertation entre les différents services. J’ai été DAFCO à Reims, puis DAFPIC à Poitiers, au total, 10 années. J’ai eu à recruter des conseillers en formation continue (CFC). Chaque académie dispose de 25 à 60 postes de CFC, et quelques postes sont à pourvoir chaque année dans le cadre du turn-over. La fonction de CFC est assez épuisante, très exigeante, et peu y font carrière. Ce sont des postes d’enseignants, avec 10 semaines de congés par an –on est parfois obligé de repousser sa prise de congés tellement le travail est important – et une prime de 6560 euros par an (elle a augmenté depuis). Beaucoup de CFC deviennent chefs d’établissements : en cela, cette fonction de CFC est un bon tremplin vers une seconde carrière de cadre administratif et pédagogique. Ceux qui ont été CFC avant de venir chefs d’établissement réussissent très bien dans leurs nouvelles fonctions. Je pense qu’il serait intéressant de fusionner les fonctions de chef de travaux et de CFC, pour les appeler « conseiller en formation », étape nécessaire pour devenir chef d’établissement, plutôt que d’y accéder directement par un concours interne.

 

En quoi consiste une seconde carrière de Responsable de Formations à l’ESEN ?

 

Eric LARCHER a occupé cette fonction et nous en évoque ses principaux attraits : « Il s’agit d’œuvrer dans le champ de la formation permanente des chefs d’établissements, des inspecteurs, et des cadres A de l’administration. Il y a une problématique d’actualisation et d’anticipation, en proposant des formations pour appréhender les différentes facettes du métier auxquels ils se préparent pour un plus ou moins grand nombre d’années. J’ai eu à concevoir les trames des formations, à recruter les différents intervenants. »

 

La GRH à l’épreuve des ans dans l’Education nationale, à travers le regard sans concessions d’un haut fonctionnaire retraité.

 

Eric LARCHER a accepté de nous exposer sa vision du fonctionnement actuel de la GRH, liée à sa longue expérience : « Cela ne fonctionne pas du tout, on ne sait pas concevoir des recrutements professionnels.

 

Recruter un cadre A dans la Fonction Publique de l’Etat pour 15 à 20 ans voire plus ne s’improvise pas, un concours interne ne suffit pas. Cela suppose un plus grand investissement au moment du recrutement : il faut faire attention, mettre en place des moyens suffisants pour recruter les bonnes personnes, prévenir d’éventuelles difficultés. J’ai toujours eu le sentiment que l’on recrute sans précautions.

 

Un chef d’établissement doit être capable de gérer une équipe, de mener des relations humaines de qualité, de porter des projets, de gérer les conflits avec intelligence, de supporter le stress lié à sa fonction, et le concours actuel n’est vraiment pas adapté. Je pense qu’il est indispensable, au niveau académique, de mettre en place une petite équipe de conseillers en mobilité carrière qui réaliseraient des mini-bilans de compétences. Actuellement, les cellules dites de « seconde carrière » ne remplissent pas ce rôle. C’est pourtant un mode de fonctionnement accessible, une question de volonté. Il faut vraiment réformer les processus de recrutement, se doter de processus professionnels, avec une partie des épreuves consacrée aux connaissances académiques et une deuxième partie consacrée au positionnement de l’individu dans le système éducatif et par rapport à la fonction à laquelle il postule, afin de vérifier que ce qu’il imagine correspond bien à la réalité du terrain. Je suis partisan d’externaliser ce recrutement : des cabinets spécialisés, des associations indépendantes des académies pourraient s’en occuper.

 

Eric propose également de mieux évaluer les enseignants, sous la forme d’un rapport d’activité à réaliser chaque année, avec un entretien professionnel avec le chef d’établissement. Cette déconcentration de la GRH, déléguée aux chefs d’établissements, dès lors qu’ils auraient été formés en amont à cette évolution, permettrait de mieux prendre en compte l’investissement de chacun, de mieux valoriser les parcours de carrière, de transformer le mode d’évaluation des enseignants qui perdure et ne donne pas satisfaction actuellement. L’expérience prouve que la performance des individus est meilleure quand la responsabilité est déconcentrée. Ainsi, le plan de formation des individus peut-il être décidé et mis en œuvre au niveau local, celui de l’établissement, puisque le chef d’établissement dispose d’un certain degré de latitude pour affecter des heures ici et là à des projets précis. »

 

Aide aux Profs, ils en pensent quoi ?

 

Eric LARCHER : « J’en ai appris l’existence par une dépêche de l’AEF en septembre 2007. C’est important de préparer les sorties, les devenirs, alors que la GRH dans l’Education nationale ne remplit pas son rôle depuis des décennies. La formation, par exemple, est sous-utilisée dans l’Education nationale. Même le DIF auquel ont droit les fonctionnaires depuis 2007 est mal pris en compte, avec une mauvaise information des personnels sur leurs droits.

 

Je pense que cette association devrait prendre une importance telle qu’elle sera capable de mettre en place des appuis régionaux toniques pour accentuer son action sur le terrain. Je pense qu’il faut un peu bousculer l’Education nationale dans le domaine des secondes carrières, pour alimenter la réflexion collective, montrer ce qu’il est possible de réaliser. Pour ma part, je serais très heureux de devenir l’un des correspondants locaux de votre association. »

 

Si vous avez-vous aussi occupé des fonctions administratives dans l’Education nationale, ou avez réalisé une mobilité hors enseignement, et que notre projet vous sensibilise, vous pouvez écrire à l’association en prenant contact sur le site. Ainsi, vous contribuerez à épauler le projet de mobilité professionnelle (hors mutation classique) des adhérents.

 

Anne de REYNIES : « C’est très utile et important. J’ai eu le sentiment dans ma courte carrière de rencontrer plusieurs professeurs malheureux de faire ce métier d’enseignant. Beaucoup n’avaient plus le courage d’en partir. Etait-ce de la peur ? Du dépit ? Quand on s’est installé dans le confort d’un mode de fonctionnement, cela devient difficile d’en sortir. J’ai connu toutes sortes de classes, faciles, difficiles, des enfants agités avec différents problèmes, et je crois qu’il faut beaucoup d’énergie et de motivation aujourd’hui pour réaliser une carrière de 40 années comme professeur. J'ai beaucoup d'admiration pour ceux qui tiennent le coup avec bonheur, engagement et plaisir dans les établissements difficiles. Mais il faut absolument aider ceux qui veulent faire autre chose ! C'est aussi important pour eux que pour leurs élèves... »

 

Betty BOILLIN : « Ce dispositif associatif part d’une bonne intention. Cela doit être intéressant à mettre en place mais pas facile à alimenter, à renouveler.»

 


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