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Betty Boillin, 51 ans, des Beaux-Arts à l’enseignement à distance au service du plus grand collège de France, celui du CNED de Rouen


Betty Boillin, 51 ans, des Beaux-Arts à l’enseignement à distance au service du plus grand collège de France, celui du CNED de Rouen

Interview de Rémi BOYER pour l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°100 de février 2009 sur le Café Pédagogique.

 

Quel a été votre parcours professionnel ?

 

« En 1976, j’arrête mes études en Terminale pour entrer aux Beaux-Arts de Caen, où je poursuis des études, synonyme de la passion qui m’anime pour la gravure et le graphisme, jusqu’en 1979. Pour des raisons financières, je dois stopper ce cursus et réalise un stage professionnel de comptabilité à l’IUT de Caen en 1979-1980. En 1980-81, je poursuis ma quête professionnelle avec une formation de peintre en bâtiment via l’ANPE, dans le cadre d’un stage « BARRE », en pose de vitres et en peinture, mais ça ne me satisfait pas encore. En 1981, je contacte le CCI de Paris et réalise une formation de technicienne en sérigraphie et en imprimerie en 1982. Grâce à cela, je trouve du travail à Nîmes puis à Aix-en-provence dans plusieurs PME, jusqu’en 1984. Ayant le goût du renouveau, de la diversité, j’ai ensuite cherché autre chose, pour fuir la routine, en réussissant le concours de préposée PTT en 1984 grâce aux cours du CNED. Cependant, affectée à Paris, une ville où il ne me plaît guère de vivre par rapport au charme de Nîmes ou d’Aix-en-Provence, je démissionne après quelques mois. Je poursuis mon chemin en réalisant différents travaux : serveuse, vendangeuse…j’ai alors 27 ans, avec le besoin de me poser quelque part professionnellement. Grâce aux cours du CNED, je prépare et réussis le Bac Arts Plastiques en 1986 avec mention, puis enchaîne un cursus à l’université de Caen : DEUG, en 1986-88, Licence en 1989. Je prépare puis obtiens le CAPES d’Histoire en 1991 et suit les enseignements de l’IUFM de Rouen. Affectée en 1991-92 à Bernay au Lycée Fresnel, puis à La Saussaye en collège entre 1992 et 1995, le contact avec les élèves ne correspond pas pleinement à mes aspirations, car les meilleures conditions pour enseigner ne sont pas réunies, et je prends une année de disponibilité en 1995-96 pour enseigner à plein temps pour Educatel.

 

Ayant eu quelques soucis de santé entre 1994 et 1996, je demande d’être placée sur un poste en réadaptation que j’obtiens en 1996 au CNED. J’y réalise dans un premier temps chez moi des travaux de correction pour le plus grand collège de France qui est piloté par l’institut de Rouen du CNED, près de 20 000 élèves à distance. En 1999, la directrice de l’institut, Madame Claude LINSKENS, me propose de travailler à mi-temps comme professeur principal sur site, et j’accepte : cela fonctionne très bien, et en 2000, ma réadaptation est transformée en réemploi. Je suis ainsi devenue personnel du CNED. Je suis rattachée au pôle d’histoire-géographie pour lequel je réalise régulièrement des corrections de copie, du tutorat électronique, de la relecture et de la conception de séquences de cours. Je m’occupe aussi de la correction en ligne des copies du B2i, et de la correction électronique de copies en ligne, et c’est un ensemble de tâches qui m’intéresse beaucoup. Durant les années 2000-2003, j’ai pu réaliser plusieurs stages pour accroître ma professionnalisation : Word, Excel, Acrobat. Cependant, depuis 2003, le CNED ne me propose plus aucun stage, alors que je pense avoir développé une expérience suffisamment riche et diversifiée qui pourrait être optimisée par la structure en réalisant de nouveaux stages pour continuer à diversifier mes champs de compétence.

 

En quoi consistent vos activités actuelles ?

 

« Je suis professeur principal des Classes Adaptées appelées aussi CAD. Elles concernent des enfants malades et handicapés. Le CNED leur propose des aménagements pour étudier les mêmes programmes que les autres. L’aménagement peut être l’allongement d’un an de leur scolarité, la proposition d’un répétiteur à domicile payé par le CNED, qui peut être un professeur en exercice ou un professeur retraité, sous la forme d’un service de 3 heures hebdomadaires. Cette prestation est rémunérée à l’intervenant 16 à 17 euros de l’heure par le CNED, et le professeur intéressé par ce type d’enseignement doit avoir obtenu une autorisation de cumul de son chef d’établissement. En histoire, géographie et éducation civique, j’épaule le responsable de formation du pôle disciplinaire, en concevant ponctuellement mais régulièrement des séquences de cours, des devoirs et leurs corrigés, des brevets blancs, des cours pour l’enseignement adapté aux enfants du voyage, puisque le CNED possède aussi un pôle d’enseignement en ce domaine, piloté par Elisabeth CLANET passionnée par ce public. Je participe à la mis en place du B2i et je réalise aussi des exercices interactifs pour les élèves malades et handicapés. »

 

Quelles fonctions peuvent occuper au CNED des professeurs affectés en PACD (poste à courte durée) ?

 

« Ils sont professeurs correcteurs dans leur discipline d’enseignement. Selon leur expérience et leur connaissance des TICE, ils peuvent eux aussi réaliser des conceptions de cours, des séquences audio-visuelles. Certains sont professeurs coordinateurs, d’autres professeurs principaux. Après un poste en PACD, en interne, il y a parfois la possibilité d’obtenir une mise à disposition, si l’enseignant a su développer des compétences essentielles au bon fonctionnement de l’institut. »

 

Vous occupez des fonctions syndicales au CNED : que pensez-vous de l’évolution actuelle du nombre d’emplois en PACD et PALD dans cet organisme de formations à distance ?

 

« Mon engagement syndical a été précoce, dès que j’ai été préposée aux PTT à Paris. J’ai rapidement obtenu une décharge d’une heure mensuelle pour me consacrer à ce type d’activité, bien que j’y consacre bien entendu plus de temps, car dans ce type d’engagement personnel au service de l’intérêt collectif, on ne compte pas son temps. Dans la plupart des syndicats, les collègues peuvent obtenir des décharges de 2 à 3 heures mensuelles pour réaliser des permanences afin de conseiller leurs collègues, notamment pour leur démarche de mutation ou leur progression indiciaire ou lorsqu’ils souhaitent déposer un dossier pour passer à la hors classe. Parfois, il y a des permanents à plein temps, comme au SNES à Paris, mais c’est plus rare.

 

Depuis que je suis arrivée au CNED en 2001, j’ai des fonctions de représentante syndicale. Je participe au comité hygiène et sécurité, et au comité technique paritaire (CTP). Cela me permet de débattre du projet de l’établissement et d’essayer de faire valoir les différentes difficultés ressenties par les services de l’institut dans le bon accomplissement de leurs tâches, toujours dans l’intérêt d’instaurer de meilleures conditions de travail pour accomplir notre travail au service des élèves qui nous font confiance à distance.

 

Le nombre d’emplois en PACD/PALD est clairement insuffisant. Il y a depuis quelques années dans la Fonction Publique de l’Etat une diminution de ce type d’emplois, alors qu’il y a une demande, et que beaucoup d’enseignants qui en auraient besoin n’obtiennent pas satisfaction. En 2009, 13 500 emplois d’enseignants vont être supprimés par le Ministère de l’Education Nationale, dont des PACD et PALD, c’est dramatique et déplorable pour de nombreux collègues, qui auraient bien besoin d’un poste aménagé au CNED ou dans une autre structure. Les CDDP et CRDP (devenus CANOPE, qui n'en emploie plus), mais aussi les Rectorats d’Académie peuvent proposer ce type de poste, sur des fonctions très variées, mais partout, l’ambiance est à la restriction de ce type de postes.

 

Alors que le Ministère crée depuis deux ans un dispositif de seconde carrière, il sacrifie en fait ici et là celles qui existaient déjà et rendaient service à des enseignants, qui pouvaient continuer à exercer autrement leur mission pédagogique au sein de la sphère éducative. Il y a là une volonté politique difficile à percevoir. Supprimer 13 500 emplois, c’est par exemple accepter que les classes soient de nouveau chargées, alors qu’obtenir 25 élèves par classe en moyenne serait appréciable pour de nombreux collègues. Actuellement, les demandes des enseignants qui ont besoin d’un poste de PACD sont satisfaites à 20% seulement.

 

En dehors de ces issues, il demeure les congés de longue maladie (CLM), les congés de longue durée (CLD), les occupations thérapeutiques, les disponibilités d’office (l’enseignant est alors exclu de son poste et non rémunéré), les retraites anticipées pour invalidité avec versement d’une indemnité COTOREP, qui ne suffit pas à leur assurer le minimum vital.

 

C’est faire bien peu de cas des personnes qui ont donné des années voire des décennies de patience pour mener des élèves vers leur réussite professionnelle. Il est important que le ministère de l’Education nationale ait un peu plus de reconnaissance pour les personnels qui accomplissent leurs missions de service public avec célérité, dès lors qu’ils connaissent des difficultés de santé. A l’institut de Rouen actuellement, il y a 10 à 15 enseignants en PACD et 3 en PALD, c’est peu par rapport à notre charge de travail collective. Depuis que les PACD-PALD ont été institués (2007) pour se substituer aux postes en réadaptation et en réemploi, les dotations diminuent d’année en année et cela nous inquiète.

 

Actuellement, un PACD est attribué pour une année. Le professeur réalise 26 à 28 heures de travail et bénéficie de ses congés scolaires mais pas de l’ARTT. Il perçoit toujours son indemnité de suivi et d’orientation (ISO). En PALD, affecté pour 4 an, il travaille 33h et a 51 jours de congés par an (environ 10 semaines) qu’il prend quand il le souhaite. Il perçoit toujours la part modulable de l’ISO, sauf les professeurs des écoles du 1er degré. Après leur affectation au CNED, les professeurs jugés aptes à réenseigner par les rectorats sont affectés sur des postes face aux élèves, à temps complet. Tous ne le supportent pas, car cette réintégration est parfois trop rapide, trop brutale. Avant 2007, il était possible de réaliser un mi-temps au CNED et un mi-temps en présentiel, et les enseignants appréciaient beaucoup ce système, mais maintenant cela a été supprimé et c’est dommage : pourquoi supprimer ce qui donnait satisfaction et correspondait aux besoins des personnels ? Est-cela la Gestion des ressources humaines dans l’Education nationale ?

 

Quelles compétences avez-vous développées lorsque vous étiez enseignante ?

 

« Je suis toujours enseignante. Quand j’étais face aux élèves, je dirigeais des projets éducatifs, je mettais en œuvre des sorties pédagogiques en histoire de l’Art. »

 

Quelles compétences nouvelles avez-vous acquises sur votre poste au CNED ?

 

« Des compétences en TICE, incontestablement."

 

Que conseilleriez-vous à un professionnel du privé tenté par le métier d’enseignant ?

 

"Il y a souvent un grand fossé entre ce que l’on idéalise et la réalité."

 

Que conseillez-vous à une personne qui souhaite quitter ce métier ?

 

« De bien préparer sa sortie. Avoir un projet professionnel mûri, réfléchi, pour ne pas se retrouver à l’ANPE après avoir connu le régime de la Fonction Publique, car là, ce ne sera pas un parcours de santé. Contacter l’Agence Pour l’Emploi des Cadres (APEC) peut être une bonne idée, car les enseignants sont reconnus comme des cadres dans leurs activités. Globalement, le professeur ne se rend pas compte qu’il vit dans un cocon. Travailler pour l’Etat, c’est très différent de travailler pour un patron, si c’est cette voie que l’on choisit.

 

Le service public, c’est un état d’esprit solidaire envers les autres, c’est un travail d’équipe collectif, ce n’est pas la même ambiance qu’en entreprise, où la recherche de profit va dominer. A l’usine, l’ambiance, c’est souvent chacun pour soi. Personnellement, j’ai préféré travailler pour le service public. Je sais que je travaille pour l’Etat, pas pour monsieur X. »

 

Pensez-vous atteindre les 42 annuités exigées par la Loi Fillon en 2003 avant de pouvoir prendre votre retraite à taux plein ? Avez-vous prévu quelque chose pour compléter une éventuelle perte de revenus ?

 

« Mon réemploi court jusqu’en 2017, et encore, je n’atteindrais pas les 42 annuités nécessaires. Je n’ai pas prévu de reprendre une activité ni de compléter mes revenus, sauf peut-être des vacations pour le CNED, puisque je maîtrise bien les missions et les responsabilités qui me sont confiées. Je n’ai pas d’inquiétude par rapport à une perte éventuelle de revenus, du moins pas pour l’instant. »

 

Que vous inspire un dispositif comme Aide aux Profs ?

 

« Ce dispositif associatif part d’une bonne intention. Cela doit être intéressant à mettre en place et pas facile à alimenter, à renouveler, et cela doit être difficile de conserver les liens entre les adhérents, et de les motiver, puisque vous ne les rencontrez quasiment pas.

 


Quelles secondes carrières pour les enseignants en Postes à courte durée (PACD) et en postes à longue durée (PALD) ?

 

Les postes en PACD et PALD ne sont pas suffisamment nombreux pour satisfaire tous les besoins des enseignants qui, pour des problèmes de santé d’ordre physique ou psychologique, ne peuvent continuer à exercer leur métier dans de bonnes conditions.

 

Betty BOILLIN, « spécialiste » de cette question puisqu’elle même fut en réemploi jusqu'à la fin de sa carrière (ce statut permettant une affectation définitive au CNED, demeure pour les personnels nommés par arrêté ministériel avant octobre 2006, mais n’est plus attribué depuis 2007, les Postes Aménagés de Courte Durée et de Longue Durée se substituant aux dispositifs antérieurs (cf décrets n°2007-632 et 2007-633 du 27 avril 2007), nous en parle :

 

« Non seulement le nombre d’emplois en PACD/PALD est clairement insuffisant, mais il y a depuis quelques années dans la Fonction Publique de l’Etat une diminution de ce type d’emplois, alors qu’il y a une demande, en augmentation d’enseignants qui en auraient besoin. En 2009, 13 500 emplois d’enseignants ont été supprimés par le Ministère de l’Education Nationale, c’est dramatique et déplorable pour de nombreux collègues, qui auraient bien besoin d’un poste aménagé au CNED ou dans une autre structure. En poste adapté de courte durée, le lieu d’exercice peut être au sein de l’éducation nationale ou auprès d’un établissement public administratif sous tutelle du ministre. Le lieu d’exercice peut également être dans une structure hors Education nationale, autre administration ou Fonction Publique.

 

En poste adapté de longue durée, le lieu d’exercice des fonctions doit obligatoirement se situer au sein des services et établissements (dont les EPA) relevant de l’Education nationale. Les affectations au CNED en PACD et PALD sont réservées aux personnels atteints d’une affection chronique invalidante comportant des séquelles définitives, dont l’évolution est stabilisée, mais les rendant inaptes à un retour vers un enseignement devant élèves ou une reconversion.

 

Actuellement, les demandes des enseignants qui ont besoin d’un poste aménagé sont insuffisamment satisfaites. En dehors de ces issues, il demeure les congés de longue maladie (CLM), les congés de longue durée (CLD), les disponibilités d’office (l’enseignant est alors exclu de son poste et non rémunéré), les retraites anticipées, qui ne permettent pas le maintien en activité des personnes qui ont donné des années voire des décennies de patience pour mener des élèves vers leur réussite professionnelle.

 

Il est important que le ministère de l’Education nationale ait un peu plus de reconnaissance pour les personnels qui accomplissent leurs missions de service public avec célérité, bien qu’ils connaissent des difficultés de santé.

 

Au CNED, les professeurs en PACD et PALD sont correcteurs ou tuteurs (1300 professeurs à domicile ) dans leur discipline d’enseignement. Selon leur expérience et leur connaissance des TICE, ils peuvent eux aussi réaliser des conceptions de cours, des séquences audio-visuelles. Certains sont professeurs coordinateurs, d’autres professeurs principaux. Après un poste en PACD, il y a parfois la possibilité d’obtenir un poste aménagé de longue durée (PALD) mais il n’est pas nécessaire d’avoir bénéficié d’une affectation en courte durée pour bénéficier d’un PALD, ou une mise à disposition, si l’enseignant a su développer des compétences essentielles au bon fonctionnement de l’institut. La toute récente intégration du CNED dans la 31e Académie en ligne ouvre de grandes perspectives d’évolution des fonctions des professeurs en matière de TICE. Après leur affectation en PACD au CNED, les professeurs jugés aptes à réenseigner par les rectorats sont affectés sur des postes face aux élèves, à temps complet. Tous ne le supportent pas, car cette réintégration est parfois trop rapide, trop brutale. Avant 2007, il était possible de réaliser un mi-temps au CNED et un mi-temps en présentiel, et les enseignants appréciaient beaucoup ce système, mais maintenant cela a été supprimé et c’est dommage : pourquoi supprimer ce qui donnait satisfaction et correspondait aux besoins des personnels ? Il faudrait revenir à une formule analogue à celle du réemploi. »

 

Françoise BOISSOU avait évoqué les différents champs d’activité du CNED

 

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