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Aide aux Profs dans Le Figaro ce 8 Novembre 2021


Dans le cadre d'un gros dossier à la Une du Figaro du Lundi 8 novembre sur la thématique "Salaires, reconnaissance, violences. Pourquoi l'Education nationale peine à recruter", comprenant les pages 4 et 6 entières de ce quotidien, Aude BARIETY, auteur de cette enquête d'investigation, a sollicité notre association pour la partie intitulée "Soif de reconnaissance, de liberté: quand des profs disent adieu à l'école". 

 

Elle y a présenté trois professeurs qui ont réalisé leur rupture conventionnelle avec indemnité de départ de l'Education nationale. Deux d'entre eux ont été accompagnés par Aide aux Profs: Rozenn et Muriel (les prénoms ont été modifiés).

 

L'Indemnité de Rupture Conventionnelle a été instituée par la Loi DUSSOPT du 6 août 2019 et a remplacé l'Indemnité de Départ Volontaire (IDV) qui était bien plus généreuse et plus fréquemment attribuée.

 

En effet, ce dispositif instituée par l'article 72 de la loi DUSSOPT déçoit déjà car l'Education nationale a conçu une véritable usine à gaz avec des processus interminables d'entretiens et de commissions étalées dans le temps, destinées à une sélection beaucoup trop draconienne des dossiers, qui a aboutit à un taux très faible d'acceptation, avec des montants planchers systématiquement attribués, sans négociation possible, sans tenir compte des termes de la loi, qui prévoit pourtant qu'une vraie négociation ait lieu avec chaque agent public demandeur.

 

Aide aux Profs remarque que les personnels d'encadrement (IA-IPR, Chefs d'établissement) qui ont bénéficié de l'IRC en 2020 ont obtenu un montant proche du plafond (jusqu'à 70.000,00 € !!!), alors que les professeurs, eux, se voient imposer le plancher de l'indemnité avec souvent des montants scandaleux en regard de leur ancienneté. Deux poids, deux mesures, donc. Les sommes attribuées sont tellement dérisoires dans la majorité des cas que cela tranche beaucoup avec le discours ministériel de revalorisation de la profession enseignante, et de la bienveillance affichée.

 

Le ministère de la Fonction Publique a dévoilé les chiffres la semaine dernière :

 

En 2020, sur 1219 demandes formulées par des personnels d'enseignement de l'Education nationale, 24% seulement ont été accordées (soit 296). Rapportées à l'ensemble des demandes d'IRC de toute la Fonction publique cette année là, elles en constituent 59%.

 

En 2021, pour les 7 premiers mois, 1100 IRC ont été attribuées tous fonctionnaires confondus, dont 61,5% pour les professeurs, soit 676.

 

Il y a donc eu une augmentation de 128% des acceptations (de 296 à 676) pour les professeurs et c'est positif, mais le le taux d'acceptation reste faible en regard des demandes formulées.

 

L'Education nationale et le Ministère de la Fonction Publique ne fournissent pas le ratio des demandes formulées/demandes acceptées.

 

Au vu de nos observations sur toute l'année 2021 à ce jour, nous estimons que le taux de refus sera supérieur à 80%, donc 1 dossier sur 5 demandes acceptées seulement. 

 

Cela fausse complètement le discours du Ministre de l'Education nationale qui indique qu'il n'y a eu que 1.554 démissions en 2020-2021. En effet, les IRC ne sont pas comptabilisées dans les démissions ! Qui plus est, si l'on considère le taux de refus des IRC, et qu'on l'adapte aux démissions, ce seraient donc au moins 10.000 demandes formulées pour 1.554 seulement acceptées.

 

L'Education nationale depuis des décennies s'est habituée à refuser les départs de ceux qui le souhaitent, dans leur grande majorité. Elle adopte pour ses fonctionnaires une politique de "containment" pour empêcher les départs de celles et ceux qu'elle a réussi à attirer en son sein. Ce n'est pas l'idée que notre association se fait de la "bienveillance" et encore moins de la "revalorisation" de la profession. C'est la poursuite d'une politique d'infantilisation de diplômés de haut niveau, qui ne sont pas libres de réaliser leur mobilité quand ils le souhaitent, là où ils le souhaitent.

 

Cette poursuite de la politique de la "nécessité de service" montre bien que l'Education nationale, et ses hauts fonctionnaires surtout, ont bien conscience d'avoir trop sévi sur des centaines de milliers de professeurs depuis 20 ans. Si le métier n'attire plus, c'est tout le système managérial actuel qui sautera, et tous ces hauts fonctionnaires qui deviendront inutiles. Il y a donc le feu au lac, ce qui explique cette soudaine écoute, empathie et bienveillance de la part de tout un système qui a mis les bouchées doubles" pour renouer la confiance avec les professeurs.

 

Mais la maigre revalorisation de 27 à 52 euros par professeur et par mois et seulement jusqu'au 9e échelon mécontente tous les autres professeurs puisqu'elle crée un resserrement entre le mini et le maxi des revenus des grilles indiciaires. Au fil de ce type de politique salariale, on en arrivera bientôt à un salaire unique moyen pour tout professeur, et à une stagnation salariale au moins pendant les 20 premières années du métier, alors qu'avec un niveau Master2, tout étudiant peut espérer ailleurs gagner dans le même temps jusqu'à 5 fois plus ailleurs dans tout type de métier avec 20 ans d'expérience.

 

Le métier de professeur s'est prolétarisé, précarisé, avec l'imposition d'un niveau Master2 + concours, et le Gouvernement des années 2017-2021 n'a pas eu le courage de démentir cette erreur stratégique de recrutement du Ministère de Luc CHATEL Ministre de l'Education Nationale en 2011. Le mieux eut été de revenir à un recrutement au niveau de la Licence3. Au lieu de cela, beaucoup d'étudiants préfèrent tenter un concours niveau L3 pour devenir attaché d'administration ou cadre dans la territoriale: ils y gagneront nettement mieux leur vie avec les primes statutaires et tous les avantages sociaux, pour des fonctions nettement moins pénibles que celles d'enseigner.

 

Le but d'élever l'entrée dans le métier d'enseignant au niveau du Master2 semble bel et bien de réduire le nombre de fonctionnaires, pour accroître le nombre de contractuels, et précariser une profession de près de 900.000 personnes. Les preuves sont bel et bien là : le taux de professeurs contractuels est passé en 2015-2016 de 14,5% à plus de 22% en 2020-2021.

 

Si le taux continue de monter, cela signifiera que le gouvernement fera des économies en augmentant seulement les fonctionnaires, réalisant des économies sur les professeurs contractuels, corvéables à merci, et précarisés. C'est sans doute, si cette lame de fond libérale se poursuit, ce qui attend progressivement tous les professeurs au fil des départs en retraite. Plus de 60% des professeurs actuels partiront en retraite d'ici 2045.

 

Actuellement et dans les 2 quinquennats qui viennent se joue l'avenir de la profession enseignante: contractuels bouche-trous mal payés, ou fonctionnaires bien valorisés ? Il semble que LREM et LR aient choisi la première option, tandis que le PS tienne beaucoup à la deuxième option. Aux professeurs électeurs de déterminer en 2022 ce qu'ils préfèrent.

 

ARTICLE du FIGARO (gros dossier de Aude BARIETY)


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