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209% de hausse des démissions chez les professeurs stagiaires sur 2012-2018


Depuis 2012, les démissions des professeurs stagiaires sont en hausse, le Bilan Social de l'Education  nationale permet de la chiffrer à près de 210% sur 6 ans.

 

La Gestion des Ressources Humaines qui concerne les professeurs, et qui relève plus d'une Gestion des Effectifs et des Affectations qu'autre chose, est certainement responsable de ce découragement croissant, car les jeunes professeurs sont affectés loin de chez eux dans le 2nd degré après leur réussite aux concours, les académies de Créteil et de Versailles absorbant près des 2/3 des nouveaux enseignants au niveau national.

 

Les professeurs des écoles de ces académies et des zones urbaines très peuplées, eux, sont confrontés à des enfants parfois pénibles, avec particularités (hyperactifs, autistes, troubles divers et variés) qui rendent leur apprentissage du métier difficile. Les nouveaux professeurs des écoles se voient fréquemment imposer des postes de remplaçant (appelés "Brigade ZIL", "TRB"), qu'ils conserveront 10 à 15 ans avant de pouvoir prétendre rejoindre leur département d'origine, car la plupart des Dasen des départements 78, 91, 92, 93, 94, 95, refusent tout départ de professeurs des écoles vers les départements du reste de la France au prétexte sempiternel des "nécessités de service" qui constituent la seule réponse, le seul "outil de gestion de ressources humaines" que les académies utilisent à l'envi faute d'avoir pu ou su ces dernières années trouver les moyens de redonner de l'attractivité au métier de professeur.

 

Ce qui est nouveau, et qui a participé à la désaffection du métier de professeur, et que n'a pas su anticiper suffisamment l'Education nationale, est la libération de la parole des professeurs sur les réseaux sociaux, sur leurs sites web personnels, souvent anonymes dans ces cas là, auxquels le web, de manière plus ou moins aléatoire au gré des centres d'intérêts des internautes, et de certains media, a donné plus ou moins de popularité.

 

Nous sommes arrivés à une époque où le numérique prend de plus en plus d'ampleur, où plus de 80% de la population possède un smartphone, un ordinateur, une connexion internet, et où chaque fois qu'entre dans l'actualité un suicide, une tentative de suicide, une agression verbale ou physique d'un professeur, la médiatisation en décuple l'impact auprès des générations d'étudiants et de salariés du privé qui les font hésiter.

 

Qui plus est, la réforme actuelle des retraites fait craindre une chute importante des pensions civiles des professeurs via la retraite à points, en regard de la règle actuelle de leurs pensions calculées sur leurs 6 derniers mois de salaire. La médiatisation qui a été apportée à cet aspect inquiète de plus en plus les étudiants qui risquent bien de préférer dans les 5 années qui viennent les postes en catégorie B et A proposés par contrats de 1 à 6 ans dans les 3 fonctions publiques, de crainte de travailler dans un métier où, d'emblée, ils seront perdants pour chaque année travaillée.

 

Le Gouvernement prévoit certes une revalorisation sans précédent des professeurs, mais le système à points est basé sur des prévisions de croissance annuelle qui ont rarement été tenus dans la durée par les gouvernements précédents, ce qui peut faire craindre un gel de la valeur du point, comme ce qu'il s'est passé ces 10 dernières années avec le gel de la valeur du point d'indice des fonctionnaires, dévalorisant progressivement leurs augmentations indiciaires en regard de la montée constante de l'inflation, qui, même si elle demeure faible en valeur, pèse parfois de manière plus importante sur des produits utilisés couramment dans le quotidien des ménages.

 

Alors, même si le Gouvernement actuel semble de bonne volonté et prêt à revaloriser les professeurs pendant 15 ans d'affilée jusqu'en 2037 pour augmenter les professeurs jusqu'à près de 900,00 €/mois  sur cette période, qui leur dit que les gouvernements suivants ne reviendront pas sur cette mesure, puisque les quinquennats précédents leur ont montré qu'il est aisé pour un nouveau Gouvernement de revenir sur le contenu d'une loi, d'un décret, en abrogeant certaines dispositions ou en réduisant la portée ?

 

Ce qui ressort actuellement sur les réseaux sociaux, le web, à travers les articles des différents média à propos des professeurs, ce sont de multiples inquiétudes sur:

 

- la difficulté de vieillir dans ce métier. La perspective d'un âge pivot à 64 ans inquiète ces professeurs des écoles qui il y a 10 ans pouvaient encore partir en retraite vers 55-57 ans, et ces professeurs du second degré qui se sentent bien épuisés face à des élèves pénibles après 60 ans, car ils ont plus de montée de tension, avec les classes difficiles, plus de soucis de santé, moins d'énergie avec des élèves qui ont toujours le même âge aux mêmes niveaux de classe

 

- la perspective de leur pension de retraite amputée de 20 à 30%. La précédente réforme de 2013 avait allongé leur durée d'activité de 37.5 à 41.5 ans et ils avaient eu le sentiment que c'était l'ultime effort qui leur serait demandé, alors que la perspective d'une retraite qui ne serait plus calculée sur les 6 derniers mois, met à mal cet engagement au service de l'Etat, cette confiance, qu'ils ont investie, et qui avait en quelque sorte cette forte contrepartie

 

- leur métier qui exige de plus en plus de préparation de cours du fait de l'introduction du numérique dans les moyens à disposition des élèves, et des taches administratives notamment pour les professeurs des écoles. L'année scolaire étant concentrée sur 36 semaines au lieu de 44 semaines pour les autres salariés, rend pénible le métier de professeur qui réalise en 36 semaines, de manière concentrée, le travail réalisé par d'autres salariés en 44 semaines. Dans les 5 premières années du métier, pour un salaire deux fois moins important avec un Master 2 que ceux qui s'orienteront vers la banque, les assurances, et autres professions juridiques et commerciales, avoir à travailler plus de 60h par semaine tout en utilisant plus de la moitié de ses congés pour préparer des cours et corriger des copies, a de quoi décourager toute une génération.

 

Alors, comment agir efficacement pour éviter le marasme, la bérézina au métier de professeur, qui plus est à l'Education nationale qui ne sait plus quoi inventer pour pallier ses déficits dans certaines disciplines, avec des concours qui attirent moins que par le passé, et des conditions de travail qui en font fuir plus d'un, puisque la Gestion des Ressources Humaines est toujours une Gestion d'effectifs sans esprit de conciliation pour tenir compte des difficultés personnelles des uns et des autres ?

 

C'est là tout l'enjeu de ces 3 prochaines années, 2020-2022, qui seront cruciales, décisives pour l'avenir un métier de professeur en France pour éviter un fort accroissement du turn-over.

 

Si les DRH continuent de multiplier les nécessités de service et d'opter pour des pratiques coercitives auprès des jeunes et moins jeunes professeurs, les taux de démission ne feront qu'augmenter, et ce n'est pas le refus systématique des démissions par less DRH qui freinera cette tendance qui progresse depuis 2012.

 

Quelques liens...

 

Bilan Social 2017-2018 du MENESR

 

26.12.2019 et idem sur Libération

 

08.01.2020 sur Libération

 


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