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Céline FRIDBLATT, ancienne professeur des écoles, est devenue psychopraticienne


Céline FRIDBLATT, professeur des écoles, a créé en cumul d’activités son auto-entreprise de psycho-praticienne

 

Interview de Rémi BOYER de l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°157 de novembre 2014 sur le Café Pédagogique.

 

Quel a été votre parcours de carrière ?

 

Après un bac A1 (lettres et mats) et une licence A.E.S. (Administration Economique et Sociale), je passe le concours de professeur des écoles que j’obtiens en 1996. Depuis mon plus jeune âge, j’ai l’impression que je sais quel métier je souhaite exercer « quand je serai grande » : maîtresse !

 

Pourtant, au fil de ma scolarité, les certitudes de petite fille font de la place à d’autres hypothèses : travailler dans la restauration, le droit, la psychologie,… Mais j’en reviens toujours au même point : j’ai envie d’être maîtresse. J’aime le contact avec les enfants, j’ai envie de travailler avec eux et il me semble plus facile de travailler avec un jeune public plutôt qu’un public d’adultes. Quelques années plus tard, je prendrai conscience du poids familial dans ce choix de parcours. Il est des contrats inconscients qui nous empêchent parfois de suivre notre voie… J'étais encore en 2014 à l'époque de cette interview aujourd’hui professeur des écoles. J’enseigne en petite section de maternelle et je suis directrice de l’école maternelle où je travaille.

 

Qu’avez-vous apprécié dans le métier d’enseignant ?

 

Ce que j’apprécie en premier lieu dans ce métier, c’est la relation :

- Relation avec les élèves tout d’abord : enseigner en petite section m’offre le confort de ne pas trop subir la lourdeur des programmes. Je peux prendre le temps d’avancer en fonction du rythme de développement des enfants, toujours différent d’un enfant à un autre. La part relationnelle est primordiale en petite section.

 

- Relation avec les parents : la première année d’école est une étape importante pour l’enfant certes, mais aussi pour ses parents. C’est une première séparation, et j’ai à cœur de les accompagner dans cette étape.

 

- En tant que directrice, j’ai aussi à gérer le suivi des élèves en difficulté, organiser des réunions, orienter les parents vers des professionnels. Là aussi, l’aspect relationnel est important, dans le sens où il est toujours difficile, voire douloureux pour un parent de découvrir que son enfant est en difficulté. Car il s’agit bien souvent d’une découverte, l’école maternelle étant le premier lieu de « confrontation » de l’enfant au monde.

 

- Relation avec les collègues : j’ai parfois un rôle de soutien, de médiateur, ou de coordinateur, selon les moments. Cela fait quelques années que je participe aux stages de remise à niveau, organisés aux vacances de Pâques et à la fin des congés d’été. J’aime beaucoup travailler avec les élèves en difficulté. J’aime essayer de comprendre, avec eux, d’où vient la difficulté. Nous essayons ensemble de trouver comment y remédier ; je les accompagne en tendant à les rendre acteurs de leur apprentissage, en faisant en sorte qu’ils puissent trouver leurs propres ressources pour apprendre.

 

Enfin, un autre aspect qui m’est agréable, et que l’on ne trouve pas dans toutes les professions, est l’autonomie. Nous sommes libres de notre pédagogie et de notre gestion du temps.

 

Qu’est-ce qui vous a pesé au fil du temps dans ce métier et qui vous conduit à évoluer autrement professionnellement ?

 

Ce qui me fut fort désagréable, c’est le côté régressif et infantilisant vers lequel nous pouvons basculer si nous n’y prenons pas garde, et si nous laissons faire.

 

Les situations d’inspection, rejoueraient alors des situations de notre enfance, où nous redeviendrions l’élève (bon ou mauvais ?) interrogé par le maître/inspecteur.

 

De la même manière, certains conseillers pédagogiques auraient tendance à s’adresser aux enseignants comme à des enfants. Je me suis souvent sentie jugée à défaut d’être soutenue dans l’exercice de mon métier. C’est un système tout entier dans lequel je ne me sens pas bien. Système qui crée ou entretient un sentiment de culpabilité lié à la sensation de ne jamais en faire assez, ou pas assez bien.

 

Un système que je trouve hypocrite où belles paroles laissent imaginer une école égalitaire, soucieuse des élèves en difficulté, mais où concrètement, il n’y a ni les moyens financiers, ni les moyens humains, ni les moyens de formation pour répondre aux multiples besoins des élèves

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L’enseignant se retrouve seul face à sa classe, en prise avec une demande institutionnelle pas toujours en adéquation avec la réalité des besoins des élèves. Cela a pour conséquence de le placer lui-même en difficulté… Hypocrisie également quand on connait la souffrance de certains collègues, mais qui sont rarement aidés, tout au plus déplacés de leur poste. La souffrance n’est pas nommée, pas reconnue... Comme si c’était un tabou d’être prof et en souffrance. Mon expérience de professeur des écoles m’apporte la connaissance d’un système et de ses difficultés, me rend sensible à la souffrance des enseignants, mais aussi des enfants et de leur famille.

 

De plus, ma formation en psychothérapie m’a permis de développer des capacités d’écoute, de respect et de non-jugement. J’aborde mon métier d’enseignante avec un autre regard. Cependant, dès mes premières années d’enseignement, un profond malaise s’est vite installé en moi : je ne me sentais pas à ma place. J’ai également ressenti une grande frustration avec mes premières classes, où j’aurais eu envie d’être plus dans la relation avec les élèves, avoir plus de temps pour écouter ce qu’ils avaient à me dire. Ma première classe était une classe de CM2, et j’ai eu l’impression d’avoir à les « gaver » de savoirs… Jusqu’à ce que je trouve mon projet de reconversion, j’étais dans la souffrance…

 

Quelles étapes avez-vous réalisées en vue d’une reconversion ?

 

J’ai donc commencé par une démarche de psychothérapie personnelle ; j’avais besoin d’aller à la rencontre de moi-même. J’arrivais dans un métier que j’avais (que je croyais avoir) choisi, et pourtant je souffrais… Après un long travail d’introspection, j’ai choisi ma voie : la psychothérapie.

 

Je me suis alors engagée dans une formation, à titre personnel. Cette formation a duré 4 ans et demi, à raison d’un week-end par mois à Strasbourg, et 10 jours en été à Montpellier. J’ai continué à travailler à temps plein, j’ai financé ma formation. Enfin, j’ai créé mon auto-entreprise et demandé un cumul d’activité pour démarrer mon 2e métier.

 

En 2014, je cumulais mon métier de professeur des écoles et directrice d’école maternelle à temps plein, avec mon activité de psycho-praticienne. Je reçois au sein de mon cabinet des enfants, adolescents, adultes, couples. Je travaille également en accompagnement scolaire avec des enfants en difficulté. Cette année, j’ai obtenu un congé formation professionnelle de 1 journée par semaine afin de reprendre un cursus universitaire de psychologie. Mon activité de psycho-praticienne est une activité qui a du sens pour moi, dans laquelle je me sens à l’aise et à ma place. Accompagner les personnes vers un mieux-être est une belle aventure !

 

Car c’est bien d’accompagnement dont il s’agit : il n’est pas question de donner des réponses toutes faites aux personnes qui sonnent à ma porte, mais bien de les accompagner afin qu’elles trouvent, en elles, leurs propres ressources, leurs propres réponses à leurs questions. C’est accompagner les personnes vers la liberté de choix, vers l’autonomie. Ce métier de la relation d’aide est en accord avec mes convictions, avec mon moi profond. C’est un métier où l’on ne fait pas semblant, où l’on est authentique. C’est un métier où l’on dit les maux. Cumuler les 2 activités nécessite organisation et énergie, mais c’est une étape transitoire.

 

Aujourd’hui que ma reconversion est engagée, je souhaite partager mon expérience et profiter de l’expérience d’autres personnes, par l’intermédiaire d’AIDE AUX PROFS. Grâce à AIDE AUX PROFS, la souffrance des enseignants est enfin dite et reconnue. Le soutien et l’expertise d’AIDE AUX PROFS permettent d’envisager une seconde carrière de manière moins hasardeuse et plus sereinement. Du fait de mon métier dans la relation d’aide, je peux également proposer un accompagnement (soutien psychologique ou travail psycho-thérapeutique) aux enseignants qui en font la demande.

 

NDLR 2025: Céline FRIDBLATT a quitté l'Education nationale et exerce désormais à plein temps ce qui la passionne.

 

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