
Aurore envisageait de devenir professeure d’anglais… et a préféré aller s'épanouir dans le métier de rédactrice territoriale !
Interview d’Alexandra MAZZILLI de l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°154 de juin 2014 sur le Café Pédagogique.
Aurore est en 2014 rédactrice territoriale dans les marchés publics (cadre B) pour le compte de la ville de Lyon après avoir passé 4 fois 4 années consécutives, le CAPES d’Anglais.
Elle se destinait à une carrière de professeure d’anglais mais elle s’est dirigée dans une toute autre voie et ne le regrette pas, vu de l’extérieur de l’Education Nationale !
Quelles études avez-vous suivies ?
Après un bac L, je me suis orientée dans la filière LLCE anglais à la faculté de la Toulon-La Garde jusqu’à l’obtention de la maîtrise. Ensuite, j’ai suivi la préparation au concours du CAPES dans la même faculté. J’ai passé le CAPES quatre fois, j’ai eu les écrits à chaque fois et je ne suis pas allée à l’oral la quatrième fois, vu que je venais de décrocher un autre concours (le concours de rédactrice territorial). J’ai eu un poste de suite, dès le mois de mai entre les écrits et les oraux du CAPES, puisque les écrits du CAPES se déroulaient en mars et les oraux en juillet
Pourquoi avoir envisagé d’embrasser une carrière d’enseignante ? Quelles étaient vos motivations à devenir professeur d’anglais ?
Depuis le collège, j’avais toujours voulu devenir enseignante. Au début, je voulais faire prof d’arts plastiques, puis j’ai eu envie de devenir prof de français, puis prof d’Allemand (ma première langue) et au final prof d’anglais. Ce qui m’a poussée à choisir l’anglais, c’était la proximité de la fac d’anglais par rapport à mon domicile. Pour l’allemand, il aurait fallu que je parte sur Nice, ce qui aurait été compliqué financièrement.
Quelles ont été vos expériences professionnelles d’enseignement ?
J’ai enseigné pendant deux ans dans un petit collège privé à la Garde, près de Toulon, puis deux ans encore en lycée privée à Toulon, en tant que professeur vacataire d’anglais.
Cela vous a-t-il donné envie de continuer dans cette voie ?
J’ai apprécié mes expériences dans l’enseignement, d’une part parce que je trouve la démarche heuristique très intéressante (« apprendre à apprendre »), le fait d’apporter sa pierre dans un processus de grandissement intellectuel des élèves (même si l’on peut vivre sans anglais) ; d’autre part, évoluer dans le domaine de l’anglais et le monde anglophone est quelque chose qui me plaît énormément (on touche autant le culturel que l’historique en plus de l’apprentissage de la langue en tant que tel) ; avec des jeunes un minimum motivés, on peut monter des projets extrêmement intéressants.
Malgré tout, être enseignante, c’est un énorme investissement en termes de travail, de préparation et de temps, surtout qu’en plus j’ai eu en charge des élèves de terminale avec la nécessité de préparer les élèves aux épreuves du bac. C’était pour moi un gros stress de préparer à la fois les écrits et les oraux du bac avec de petits moyens, avec des élèves en anglais première et seconde langue mais aussi en anglais renforcé (trois programmes différents !). Et encore, j’étais dans un lycée privé, avec des élèves sérieux et a minima disciplinés, dans un cadre très strict.
Avec le CAPES, j’aurais été dans le public (qui aujourd’hui pour moi n’est plus un secteur attrayant) : c’est l’un des facteurs qui m’a motivée à ne pas devenir enseignante, en plus du risque de la mutation (les jeunes enseignants titulaires du CAPES sont souvent mutés en région parisienne dans des établissements difficiles).
Pourquoi avoir changé complètement de voie professionnelle avant d’avoir réussi votre objectif premier ?
En parallèle du CAPES, j’ai passé plusieurs concours administratifs, dans la fonction publique d’Etat ou dans la fonction publique territoriale. Et j’ai réussi à décrocher le concours de rédacteur territorial en 2006.
Il m’a fallu prospecter les collectivités pour décrocher un poste (il y a un large choix de postes et à l’époque, il y en avait beaucoup en quantité !). Enfin, il n’y avait rien sur la Côté d’Azur, mais j’ai trouvé sur Lyon, mon conjoint également. J’en suis à mon deuxième poste, deux postes très différents, le premier dans la sécurité, le second dans les marchés publics.
Quelles sont vos ambitions professionnelles pour le futur ?
Je souhaite passer le concours d’attachée territoriale de catégorie supérieure (cadre A), que mon conjoint a déjà obtenu, avec un poste sur Lyon. L’avantage, dans la territoriale, malgré le fait qu’il y ait actuellement une grande restriction du nombre de postes (notamment par rapport aux nouvelles réformes), pouvoir changer de poste et de domaine reste possible au sein d’une même collectivité, voire dans d’autres collectivités. C’est ce qui m’a déjà permis de changer de métier sur le même grade, ce qui permet de pouvoir s’épanouir dans son travail, de ne pas rester bloquée sur un poste dont on a fait le tour pendant des années. C’est l’un des grands avantages de la territoriale.
Regrettez-vous votre choix ?
Evidemment, je ne regrette absolument pas mon choix. A aucun moment. J’aurais peut-être eu un meilleur salaire en tant qu’enseignante en début de carrière, mais même si je restais rédactrice, je pourrais m’aligner au fur et à mesure des années. Au niveau de la curiosité intellectuelle, je peux me renouveler vis-à-vis des différents domaines sur lesquels je peux prétendre postuler. J’ai aussi deux grands avantages : j’ai beaucoup de jours de congés, mes horaires de travail sont fixes, je sais que quand je rentre, je n’ai pas de travail supplémentaire à la maison ou de copies qui m’attendent.
Je n’ai pas non plus le stress de devoir me confronter à des élèves de l’enseignement secondaire qui n’en ont rien à faire de ce qu’on leur enseigne. Ce qui peut me manquer éventuellement, c’est le fait de ne plus évoluer dans le milieu anglo-saxon et américain, surtout qu’on perd très vite la maîtrise de la langue lorsqu’elle n’est pas pratiquée.
Quelles compétences pensez-vous avoir acquises qui vous servent dans votre profession actuelle ?
Savoir parler en public. Savoir présenter des sujets. Une certaine aisance orale, le fait d’avoir un auditoire. Savoir Argumenter en réunion. Savoir répondre du tac au tac puisque si des réflexions fusent, il faut être de suite capable de les neutraliser. Dans la compréhension des choses, j’ai une approche très didactique, ce qui me permet de pouvoir m’approprier certains outils et de savoir m’organiser dans mon travail de tous les jours.
Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur l’école de la République ?
J’ai une image très chaotique de l’enseignement aujourd’hui : J’ai plutôt cette image de l’enfant roi et d’un enseignant qui s’échine à lui apporter quelque chose, que l’enfant ne souhaite pas spécialement recevoir. J’essaie de ne pas généraliser. Par rapport à l’expérience que j’ai eue dans le privé, heureusement, certains élèves restent intéressés et motivés et essaient de se donner les outils pour se construire un futur stable et serein.
NDLR 2025: nous n'avons pas retrouvé trace d'Aurore sur le web... mais supposons qu'elle a réussi son objectif de devenir Attaché Territoriale.
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