
Emeline KEDZIERSKI, de professeur des écoles à dessinatrice
Interview de Rémi BOYER pour l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°149 de janvier 2014 sur le Café Pédagogique.
AIDE AUX PROFS vous a proposé cette interview de professeure des écoles assez atypique. Emeline KEDZIERSKI, la trentaine, réalise des dessins depuis quelques années. Si Emeline ne se pose pas à proprement parler, la question d’une seconde carrière ou d’une évolution professionnelle dans le monde du dessin, son parcours démontre malgré tout qu’il est possible, tout en restant enseignant à temps complet, d’avoir une activité plus ou moins rémunératrice et surtout autorisée, à côté de son emploi et en même temps, synonyme de plaisir et qui permet de mieux vivre son métier. Au détour d’un entretien très sympathique, Emeline nous parle avec beaucoup de bon sens de sa profession et nous fait partager sa passion pour le dessin.
Pourquoi avoir choisi d’enseigner ?
Je n’ai pas cherché longtemps ma voie. C’était comme une évidence. Dès le collège, je voulais être « maîtresse ». J’ai toujours côtoyé des enfants, je suis l’aînée de trois enfants, et la plus vieille des cousines dans ma famille. Il était inconcevable pour moi d’exercer une profession rébarbative. Alors la meilleure option était l’enseignement. Chaque jour est différent. C’est très enrichissant.
Quel a été votre parcours de carrière ?
J’ai fait des études de lettres modernes, je me suis arrêtée un moment une fois ma licence obtenue, j’avais besoin d’une pause. Alors j’ai travaillé dans le périscolaire et l’animation. Puis j’ai repris mes études deux ans après. Je suis entrée en Master de l’enseignement, et j’ai fait mon mémoire sur l’éveil musical en maternelle.
Comment êtes-vous arrivée au dessin et plus particulièrement au portrait ?
Je dessinais avant d’avoir appris à écrire. Le dessin est plus qu’une passion, c’est un exutoire. En fin de compte, j’ai toujours dessiné. Et puis au fur et à mesure, on me demandait de dessiner telle personne, ou telle star. Et de fil en aiguille je me suis améliorée.
Avez-vous suivi un apprentissage, une formation pour vous perfectionner ?
Je suis autodidacte, je n’ai jamais pris de cours.
Comment travaillez-vous vos portraits ?
La plupart du temps je travaille à la mine graphite, sur du papier à grains. Je commence toujours par les yeux, c’est à mon sens la base d’un bon portrait. Je travaille les ombres à la fin, une fois que tous les traits sont posés. Un portrait me prend en moyenne 7 à 10 heures de travail.
Souhaitez-vous quitter l’école pour vivre de votre passion ?
Non je ne pourrais pas. J’aime trop mon métier pour en changer. Le dessin reste une passion, une manière d’extérioriser.
Vous exposez ? Vous vendez ?
Il m’arrive de vendre des portraits, je vends surtout des illustrations que je fais en collaboration avec mon fiancé graphiste. Je trouve les idées, je les dessine, il les modifie et les colorie. On aimerait partir sur un projet de carte postale ou d’illustrations destinées à la papèterie. On forme une bonne équipe.
Fort de votre expérience de dessinatrice, comment menez-vous vos séances d’arts visuels ?
J’enseigne à des PS/MS. J’aime beaucoup leur laisser de la liberté quant aux arts visuels. J’aime les laisser s’exprimer. J’ai fait récemment un projet sur les sentiments, en langage, littérature jeunesse et arts visuels. Je leur ai demandé de peindre une émotion, après avoir longtemps discuté des couleurs pour exprimer la colère, ou la joie par exemple, ils ont peint de magnifiques dessins. Je préfère limiter les consignes. L’art n’est pas figé. C’est un moyen de s’exprimer. Les accabler de consignes ne serait pas judicieux, surtout à cet âge. Il arrive souvent qu’on discute d’une œuvre d’art ou d’une illustration. C’est parfois surprenant d’entendre certaines réactions des enfants.
Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur l’école de la République ?
Le gouvernement commence enfin à attacher une réelle importance aux inégalités et au décrochage scolaire. Chaque enfant est unique, et mérite une attention toute particulière, qu’il soit « bon » ou en difficultés. Les mesures proposées sont déjà assez efficaces. Mais certaines écoles ont besoin de plus de moyens pour pallier à ces manques. Par ailleurs, je suis contre les modifications des rythmes scolaires. Ils me paraissent difficilement acceptables, notamment en maternelle. Mais il faudra s’adapter à ce qu’il n’y ait plus de coupure en milieu de semaine, même si à mon sens les enfants risquent d’être beaucoup moins attentifs (ce qui est compréhensible) en fin de semaine.
NDLR 2025: Emeline KEDZIERSKI est toujours professeur des écoles, elle adore son métier, et a continué de dessiner.
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