
Marie-Claude BLIN, professeur d’éducation musicale depuis 17 ans (en 2012), est passionnée de création de chapeaux
Interview de Rémi BOYER pour l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°131 de mars 2012 sur le Café Pédagogique.
Quel a été votre parcours de carrière, et pourquoi aviez vous choisi d'enseigner ?
« J'ai poursuivi un double cursus d'études musicales: en conservatoire et à la Sorbonne. La pratique musicale avait ma préférence, mais j'assurais mes revenus par l'enseignement : animations musicales en milieu scolaire (en primaire) et instrument en école de musique.
Dès 1995, L'Education Nationale m'a permis de toucher un public plus large, la majorité de mes élèves collégiens ne fréquentant généralement pas les classes d'orchestre, loin s'en faut ! De même, je n'ai été titulaire de mon poste qu'après plusieurs années très mobiles, en tant que maître-auxillaire : des postes différents tous les ans, sur 2 établissements, avec des niveaux extrêmement hétéroclites, dans des salles parfois sans équipement.
Toutefois, j'ai été vite surprise de m'entendre dire lors d'une inspection que je m'étais " fourvoyée" lors de mes expériences précédentes- " hors Education Nationale, point de salut " semblait-il, alors que de mon point de vue, les différents publics rencontrés m'avaient formée à différentes pédagogies, très enrichissantes et bien utiles devant les classes dites difficiles ».
Quelles compétences pensez-vous avoir développé dans ce métier ?
« Ces difficultés propres aux premières années m'ont incitée à cultiver la persévérance et l'inventivité. Par la suite, la gestion d'un grand nombre d'élèves, environ 500 par an en Education Musicale !) conduit à une organisation de plus en plus rigoureuse et le lien qui se tisse au fur et à mesure des années développe une relation de confiance et une capacité d'écoute profitable à chacun. L'envie de mener des projets sortant de l'ordinaire permet aussi de consolider un réseau professionnel intéressant, également en dehors du système éducatif ».
Qu'est-ce qui vous a donné envie de faire autre chose, et quelles ont été alors vos démarches ? Vous êtes vous sentie aidée par l'administration ?
« Je me suis sentie de moins en moins "utile" en classe, comme si mes objectifs personnels n'étaient pas en phase avec ce que j'étais tenue d'évaluer, selon les programmes officiels successifs.
Le temps consacré à ce qui me semblait des contraintes administratives me faisait perdre en disponibilité, surtout avec un tel effectif et m'éloignait du facteur humain, qui restait la raison de ma présence dans une salle de classe. J'ai souhaité faire le point grâce à un bilan de compétences ou quoi que ce soit qui aurait pu aller dans ce sens, mais ne trouvais pas d'interlocuteur qui puisse entendre ma demande. Après plusieurs années et en particulier des épreuves d'ordre personnel, j'ai eu la chance de pouvoir m'exprimer en toute confiance auprès d'un chef d'établissement réactif, qui m'a conduite vers la conseillère mobilité carrière nouvellement nommée. Toutefois, j'ai de nouveau connu la même difficulté d'exposer le fait que je puisse envisager une seconde carrière hors Education Nationale: entre ce qui peut passer pour un jugement moral et les incompatibilités administratives, il faut garder la tête froide et une volonté de fer !
Actuellement, vous vous êtes lancée dans l'activité de conception et production de chapeaux: est-ce une auto-entreprise ? Comment avez-vous, pas à pas, développé cette activité ? Pensez-vous en faire une seconde carrière à plein temps ?
« Aujourd'hui, mon activité se fait par autorisation du Rectorat, comme une activité supplémentaire (vente de biens fabriqués personnellement par l'agent), mais il est bien trop tôt pour établir une auto-entreprise, sachant que je ne pourrais y prétendre que pendant un temps trop court à mes yeux avant de prendre une décision radicale (poursuivre et donc démissionner ?) je garde cette option en dernier recours ».
NDLR: AIDE AUX PROFS signale à ce stade que, depuis le décret n°2011-82 du 20 janvier 2011 qui a été réalisé grâce à une de nos propositions à Josette THEOPHILE fin décembre 2010 - qui a modifié le décret n°2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activité des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'Etat - bon nombre d’auto-entreprises peuvent être créées et demeurer de manière illimitée dans le temps, au titre du cumul d’activités accessoires, permettant ainsi de se constituer un complément de revenu.
« Pour l'heure, je confectionne sur mon temps libre et expose mes réalisations en ligne ou à l'occasion de quelques manifestations locales, autour du thème du recyclage en particulier. Mon projet a encore besoin d'être affiné, puisque je ne souhaite pas uniquement confectionner des accessoires mais accompagner un public bien spécifique, tel que celui des personnes qui vont vers les couvre-chefs par nécessité avant que ce ne puisse être un plaisir. C'est là que les qualités d'écoute et d'accompagnement développées pendant mes années d'enseignement seront mises à profit puisque je suis aujourd'hui affectée sur un poste adapté au sein de la Ligue Contre le Cancer afin de recevoir les malades et mener ensemble un travail autour de l'image corporelle, à reconstruire dans ce contexte très spécifique. Mon souhait est bien entendu d'avoir toute la disponibilité nécessaire pour mener ce projet sur du long terme ».
Que conseilleriez-vous à un(e) enseignant(e) désireux d'entreprendre une activité de vente de ses productions ? Y a-t-il des erreurs à éviter, des formations à réaliser ?
« Toutes mes propres questions n'ont pas encore obtenu leur réponse, mais le premier conseil qui me vient à l'esprit serait qu'il faut savoir trouver les sources d'informations pertinentes, sans précipitation et avec beaucoup de prudence- pour ne pas risquer de voir ses projets s'essouffler et de se mettre en tort par ignorance.
Les informations sont assez difficiles à trouver, selon moi, du fait de notre statut de fonctionnaire, mal connu en dehors de nos rangs et à l'inverse, il est difficile de faire entrer un peu d'air frais dans toutes nos circulaires !
Pour ma part, j'ai recueilli les premiers éléments indispensables auprès de l’association AIDE AUX PROFS du conseiller juridique du Rectorat et des associations d'aide à la création d'entreprise. Je poursuis également mes recherches auprès de la chambre des métiers de l'artisanat et de la maison des artistes et prévois également de me former tant du point de vue de la technique pure que dans la démarche d'accompagnement de publics spécifiques. Dans le Primaire, les mutations sont en panne, un facteur supplémentaire de démotivation ! »
Aux dernières nouvelles, 13 as plus tard, Marie-Claude BLIN poursuit son activité passionnante qui a donné du sens à sa vie.
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