
Stephanie ROBERT, de professeur des écoles à décoratrice d’intérieur grâce à la rupture conventionnelle obtenue avec AIDE AUX PROFS
interview de Rémi BOYER pour l’association AIDE AUX PROFS, qui a accompagné Stéphanie ROBERT dans sa rupture conventionnelle en 2020-2021
Quel a été votre parcours professionnel de la fin de vos études jusqu’à votre reconversion actuelle ?
Après avoir obtenu ma licence en Sciences économiques et sociales, avec une spécialisation en Espagnol, j’ai naturellement poursuivi mes études par une préparation au Capes de SES. Le concours a été un échec, mais il m’a poussée à explorer un autre chemin. Par curiosité, j’ai tenté le concours de professeur des écoles pour voir ce qui était attendu, et je l’ai réussi. En 2003, j’ai donc intégré l’IUFM en tant que stagiaire et, un an plus tard, j’ai été titularisée en tant qu'enseignante. Pendant 17 ans, j’ai exercé dans le primaire, principalement sur le cycle 3, avant de devenir remplaçante (ZIL) à la fin de ma carrière dans l’Éducation nationale. J’ai vécu cette période avec passion, mais aussi avec un sentiment croissant de ne plus pouvoir accomplir pleinement ce que j’avais à offrir. Je sentais que je ne répondais plus aux besoins de mes élèves ni aux miens. Alors, j’ai pris une décision difficile mais nécessaire : celle de quitter un système que je connaissais bien mais qui ne correspondait plus à mes aspirations.
J’ai choisi de me réinventer et de suivre une passion qui m’a toujours animée : la décoration d’intérieur. Je me suis formée à distance dans une École de Design et d’Arts Appliqués, un véritable tournant dans ma vie.
En 2021, après avoir obtenu ma rupture conventionnelle avec l'accompagnement d'AIDE AUX PROFS 3 mois plus tôt, j’ai ouvert mon agence de décoration d’intérieur et j’ai vu un monde s’ouvrir à moi.
Aujourd’hui, je mets mon expertise au service de ceux qui souhaitent transformer leurs espaces de vie, notamment dans le domaine de la location saisonnière, dans laquelle je me suis spécialisée. Cette activité a d’ailleurs joué un rôle déterminant dans ma reconversion : elle m’a permis de sécuriser mes revenus et de me lancer sereinement dans ma nouvelle voie. Mon parcours m’a appris qu’il n’est jamais trop tard pour se réinventer, et c’est une véritable chance de pouvoir apporter ma vision créative et mon regard empathique dans ce nouveau métier. Parce que je sais combien cette transition peut faire peur, j’ai à coeur, aujourd’hui, d’aider ceux qui souhaitent utiliser la location saisonnière comme tremplin pour changer de vie. C’est pourquoi j’ai créé un programme d’accompagnement spécifique, destiné à celles et ceux qui, comme moi, veulent construire leur reconversion sur des bases solides dans le domaine de la location saisonnière.
Comment se déroule votre reconversion actuellement ? Regrettez-vous d’avoir quitté l’Education nationale, et pourquoi ?
Aujourd’hui, je suis épanouie dans mon rôle de décoratrice d’intérieur et je ne regrette absolument pas d’avoir quitté l’Éducation nationale. Bien au contraire, chaque jour est un cadeau. Je savoure la liberté que m’offre ma vie d’entrepreneuse, cette possibilité de créer, d’innover, et de voir les résultats concrets de mon travail.
Quand je pense à la personne que j’étais avant, je réalise à quel point cette reconversion m’a permis de m’accomplir pleinement. Depuis le début de mon activité, j’ai eu la chance d’accompagner plus de 50 clients dans la création d’intérieurs sur mesure, où chaque espace est pensé pour qu’ils se sentent vraiment bien. Au fil du temps, j’ai affiné mes compétences et me suis spécialisée dans l’aménagement de locations saisonnières. Aujourd’hui, j’accompagne principalement mes clients à créer des logements qui non seulement offrent une expérience unique à leurs voyageurs, mais qui permettent également de booster la rentabilité de leurs investissements. En toute honnêteté, je ne regrette aucunement ma décision. L’Education nationale m’a apporté beaucoup, mais ce métier ne me permettait plus de m’épanouir comme je l’espérais. Aujourd'hui, je me sens plus connectée à mes valeurs, et je peux vraiment faire la différence dans la vie de mes clients, tout en menant une activité qui me passionne.
Quels projets pédagogiques aviez-vous pu mener dans votre carrière de professeur (le cas échéant) et desquels êtes-vous le plus fier(e) ?
Honnêtement, au cours de ma carrière, je n’ai pas vraiment eu l’opportunité de développer de grands projets pédagogiques avec mes élèves. J’ai souvent eu le sentiment d’être submergée, entre la pression des programmes, les classes chargées, et une administration parfois déconnectée du terrain. Très tôt, dès ma première année, j’ai été confrontée à des conditions d’exercice difficiles, qui m’ont rapidement poussée à chercher du soutien auprès des syndicats. C’est d’ailleurs cette expérience qui a éveillé mon engagement. J’ai fini par m’investir pleinement en tant que militante syndicale, et c’est sans aucun doute cet aspect-là de ma carrière qui me rend le plus fière. J’ai pu accompagner de nombreux collègues, les soutenir dans leurs démarches, les écouter, les aider à se relever face à des situations injustes.
Ce rôle de soutien, d’écoute, de relais… je l’ai exercé avec coeur et conviction. Et même si cela ne rentrait pas dans le cadre classique d’un projet pédagogique, pour moi, c’était une façon très concrète de contribuer à améliorer les choses.
Quelles compétences avez-vous développées durant tout votre parcours de carrière ? Lesquelles vous sont encore utiles actuellement ?
Mon parcours d’enseignante, complété par mon engagement syndical, m’a permis de développer un socle de compétences solides et profondément humaines, que je mobilise encore chaque jour dans ma vie professionnelle actuelle.
• L’écoute active et l’analyse des besoins Comprendre un élève, c’est aller au-delà des mots, capter l’implicite, repérer les blocages. Aujourd’hui, cette capacité me sert dans l’échange avec mes clients. J’écoute, j’observe, je décrypte leurs besoins, même ceux qu’ils ne savent pas toujours formuler, pour leur proposer un intérieur qui leur ressemble vraiment.
• La pédagogie et la capacité à transmettre. Être décoratrice, ce n’est pas juste créer de beaux espaces, c’est aussi expliquer des choix, rassurer, guider. Grâce à mon bagage pédagogique, je sais vulgariser des notions parfois techniques, rendre claires des idées abstraites et embarquer mes clients dans le processus créatif.
• L’organisation et la gestion de projet. Planifier une séquence pédagogique ou organiser une réunion syndicale m’a appris à structurer, anticiper, prioriser. Aujourd’hui, je pilote mes projets de décoration avec la même rigueur : rétroplanning, coordination des prestataires, suivi budgétaire… tout est millimétré.
• La polyvalence relationnelle. Échanger avec des élèves, dialoguer avec des parents, négocier avec une direction ou accompagner des collègues en souffrance… J’ai appris à m’adapter à tous types d’interlocuteurs. Cette aisance relationnelle est un atout précieux dans mon métier actuel où je jongle avec les échanges clients, les partenaires, les fournisseurs.
• La création de supports clairs et attrayants. Préparer une leçon, c’est souvent concevoir des supports accessibles et ludiques. Ce savoir-faire, je l’ai naturellement transposé dans la création de mes présentations clients, carnets déco ou planches d’inspiration.
• La communication orale. Prendre la parole devant une classe, animer une réunion ou défendre un collègue en audience… tout cela m’a appris à m’exprimer avec clarté et assurance. Aujourd’hui, je me sens à l’aise pour présenter mes projets, défendre mes idées et instaurer un climat de confiance avec mes clients.
• La rédaction professionnelle. Enfin, les compétences rédactionnelles développées dans l’Éducation nationale (rapports, synthèses, projets personnalisés…) me servent encore pour rédiger mes comptes-rendus, mes devis, ou encore mes textes de communication. Tout ce que j’ai été dans mon ancienne vie pro n’a pas disparu. Je l’ai simplement transformé. C’est un peu comme si chaque étape de mon parcours avait construit un outil que je continue d’utiliser, autrement.
Aviez-vous songé à devenir chef d’établissement ou inspecteur ?
Non, je n’ai jamais été attirée par les fonctions de chef d’établissement ou d’inspecteur. Mon engagement en tant qu’enseignante puis syndicaliste m’a toujours portée vers l’accompagnement de terrain, la solidarité entre pairs, et la défense des conditions de travail. Je ne me projetais pas dans un rôle hiérarchique impliquant l’évaluation de collègues déjà confrontés à de nombreuses difficultés au quotidien. Mon expérience syndicale m’a d’ailleurs donné une vision parfois désenchantée de ces postes, trop éloignés des valeurs humaines et collectives qui m’animent.
Aviez-vous peur de vieillir dans ce métier ?
Oui, j’avais très peur de vieillir dans ce métier. Et cette peur n’était pas anodine : elle s’est installée petit à petit, nourrie par ce que je voyais autour de moi et ce que je ressentais au quotidien. Le public devenait de plus en plus difficile, parfois même dur et irrespectueux. Ce n’était pas seulement épuisant, c’était aussi profondément triste, car cela me donnait une image très sombre de l’avenir.
Je n’arrivais plus à me projeter dans ce métier sans ressentir une forme de lassitude, voire de résignation. J’ai vu trop de collègues s’effondrer sous la charge, sombrer dans des arrêts longs pour épuisement ou burn-out, ne plus pouvoir vivre normalement.
J’en voyais d’autres se disputer pour un quota de photocopies… comme si la frustration immense du quotidien devait forcément s’exprimer quelque part, même dans le futile. Et je ne voulais pas finir ainsi.
J’avais aussi cette impression pesante d’inutilité. Les élèves qui réussissaient n’avaient pas besoin de moi, ils étaient déjà portés par leur environnement. Et ceux qui en avaient le plus besoin… je n’avais ni le temps, ni les outils pour les aider vraiment. Le système ne nous en donne pas les moyens. Il est trop souvent aveugle aux vécus des enfants, à leurs blessures invisibles, à leur diversité de besoins. Il standardise, il classe, il trie. Il valorise la performance mais oublie les progrès. Il laisse sur le côté ceux qui ont le plus besoin d’attention. Et moi, au milieu de tout ça, je ne voulais pas devenir ce genre de prof usé, éteint. Je voulais rester vivante, utile, alignée. Vieillir dans l’Éducation nationale, pour moi, c’était prendre le risque de me perdre.
Avoir été enseignant a-t-il été un atout ou un handicap dans ce projet de reconversion ?
Pour moi, avoir été enseignante n’a été ni un atout, ni un handicap dans ma reconversion. C’était une étape de mon parcours, mais elle ne m’a ni freinée, ni particulièrement portée.
Ce qui a vraiment compté, c’est ma volonté de changement, ma capacité à me réinventer, et ma foi en mon projet. Je suis convaincue qu’on peut devenir ce que l’on veut, peu importe d’où l’on vient ou ce que l’on a été avant. Ce ne sont ni nos diplômes, ni nos fonctions passées qui font nos compétences, mais notre engagement, notre curiosité, notre envie d’apprendre et d’évoluer. Et surtout, notre capacité à contribuer, à mettre nos talents au service des autres. Aujourd’hui, je me réalise pleinement en aidant mes clients à concrétiser leurs projets, à créer des lieux qui ont du sens, à travers un accompagnement humain, créatif et clé en main. J’ai quitté l’Éducation nationale pour inventer une nouvelle façon de transmettre, plus libre, plus alignée. Et c’est ce choix, ce passage à l’action, qui a tout changé.
Que conseilleriez-vous aujourd’hui à une personne qui souhaite enseigner ?
Aujourd’hui, je dirais que pour devenir enseignant, il faut avoir une certaine résilience. Si tu choisis ce métier, c’est que tu es prêt à accepter de ne pas toujours voir les résultats immédiats de ton travail. Il faut être prêt à « balayer la mer », à investir une énergie folle sans être certain que ça paye à court terme. Si tu n’as rien à faire des résultats, si tu acceptes d’être dans un système qui ne valorise pas toujours l’impact direct de ton action, alors tu peux choisir ce métier.
Mais si tu veux un métier riche de sens, si tu cherches une vraie contribution pédagogique, où tu peux réellement apporter une aide durable aux élèves, alors l’enseignement tel qu’il est aujourd’hui n’est peut-être pas la voie à suivre.
En 2025, le système scolaire reste ancré dans des logiques souvent déconnectées des besoins réels des élèves. Devenir enseignant aujourd’hui, ce n’est plus tant vouloir faire progresser les enfants dans leurs apprentissages que les aider à survivre dans un système trop rigide, trop injuste, et parfois même violent pour certains d’entre eux. Si ton objectif est de contribuer à quelque chose de plus grand, de plus concret, de plus transformant pour les jeunes générations, alors il vaut peut-être mieux chercher d’autres façons de s’engager. Les enseignants de demain doivent être bienveillants, mais aussi capables d’accompagner les élèves à s’adapter à un système qui les écrase, plutôt que de pouvoir leur offrir une réelle évasion pédagogique. Si tu es prêt à cette réalité, lance-toi. Si tu cherches un travail où tu vas voir l'impact direct de ton investissement, repense ton choix.
Que conseilleriez-vous à un enseignant qui souhaite quitter son métier ?
Si tu ressens au fond de toi que le moment est venu de tourner la page, ne laisse pas la peur te retenir. La sécurité et le confort que l’on peut parfois ressentir dans un métier stable comme celui d’enseignant peuvent très vite devenir un piège, un piège qui nous tue à petit feu.
Ce n’est pas facile de quitter une zone de confort, mais il y a une vie après prof, et elle peut être bien plus épanouissante et resplendissante si tu choisis de suivre un chemin qui te correspond vraiment.
L'épanouissement est à portée de main, mais il faut oser se lancer. Rien n’est figé, et on a tous la possibilité de se réinventer, de trouver une voie qui nourrit à la fois notre coeur, nos talents et qui contribue à un monde meilleur.
Si tu n’es plus heureux dans ton rôle d’enseignant, c’est que ton énergie pourrait être investie ailleurs, dans un projet personnel ou professionnel qui donnera un vrai sens à ta vie. Ne laisse pas la peur de l'inconnu t'empêcher d’explorer de nouvelles possibilités. Le changement peut être source d’une nouvelle vie pleine de joie et d’accomplissement. Alors, si c’est vraiment ton désir, n’hésite pas à franchir ce pas. Le monde t’attend avec des opportunités que tu n’imagines même pas encore.
Que pensez-vous de l’action proposée par l’association AIDE AUX PROFS pour aider les professeurs qui le souhaitent à quitter l’Education nationale ?
Je trouve que c’est une initiative vraiment exceptionnelle. Personnellement, j’ai moi-même bénéficié de l’aide de l’association en 2020 et je peux dire que c’est un vrai plus. Le changement fait peur, et c’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de quitter un métier aussi ancré dans notre quotidien que l’enseignement.
Se sentir accompagné dans cette démarche est une véritable bénédiction. Ce que l’association offre, c’est un soutien rassurant, une aide concrète pour ceux qui veulent sauter le pas mais qui sont bloqués par la peur de l’inconnu.
Savoir qu’on peut compter sur des personnes qui ont déjà accompagné des collègues dans la même situation, qui connaissent les difficultés, les questionnements, et qui offrent des conseils et un véritable soutien, c’est extrêmement rassurant. C’est un parcours moins solitaire et beaucoup plus rassurant lorsqu’on sait qu’on n’est pas seul dans cette transition.
Pour découvrir l'univers de Stéphanie ROBERT, ses projets et ses conseils, va sur son site et sur ses deux réseaux sociaux : Instagram et Facebook où elle partage son quotidien de décoratrice et d’accompagnante au changement vers la gestion de locations saisonnières.
C'est justement à ce titre qu'elle offre à tout adhérent d'AIDE AUX PROFS une remise de 20% sur sa formation "Reborn" (Renaître) que tu peux découvrir ici.
Écrire commentaire