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Maxime KAPRIELIAN de l'enseignement de la musique à une belle envolée hors de l'éducation nationale...


Maxime KAPRIELIAN, de l’enseignement à l’ingénierie pédagogique, tout en musique…

 

Interview de Rémi BOYER pour l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°119 de janvier 2011 sur le Café Pédagogique.

 

 

 

Pourquoi êtes-vous devenu enseignant, et comment se sont déroulées vos premières années ?

 

« Après une licence de musicologie en 1997, j’ai préparé et obtenu le Capes en 1998 tout en poursuivant des études au Conservatoire (écriture et direction de chœur). J’avais d’abord été prof de solfège avant, mais c’était un emploi précaire, il est très difficile de se faire titulariser. En tentant le Capes je n’étais pas très motivé par ce métier, mais à l’idée d’avoir un salaire plus élevé et un emploi du temps décent, je me suis dit que ça valait le coup. J’ai d’abord été affecté dans un collège ZEP des quartiers Nord de Marseille pour mon stage d’IUFM et ça s’est très bien passé. Par contre, les relations avec les enseignants de l’IUFM ont été moins bonnes, car j’avais obtenu le Capes sans avoir suivi leur préparation, et sur les 12 stagiaires que nous étions, les 6 premiers reçus de l'académie (dont moi) avaient eu le concours en candidat libre.

 

Entre 1999 et 2002 j’ai été affecté en banlieue parisienne à Gennevilliers (académie de Versailles) en ZEP. Le collège en question est l’un des pires de l’académie puisqu’il est à la fois classé ZEP, PEP IV, Zone Sensible et Prévention Violence. La totale, j’ai eu droit à tout durant mes années d’enseignement dans cet établissement. Ça s’est mal passé au début, j’ai appris très vite que le poste que j’occupais était resté vacant pendant 4 ans. Tous les Maîtres auxiliaires ou TA (les ex TZR) qui s’y étaient succédé s’y étaient usés très rapidement, certains préférant un congé maladie à de telles conditions de travail.

 

Moi, j’avais été muté à 800 km de ma région d’origine, et pendant plusieurs mois je n’ai pas été payé, ou alors a minima, sans les primes, alors que j’avais pourtant un loyer à financer, mes déplacements en métro, ma nourriture, etc. Il a fallu que je fasse intervenir le député de Gennevilliers pour que le rectorat de Versailles accepte de me payer enfin – avec rattrapage - au bout de 4 mois.

 

La première chef d’établissement que j’ai eu était horrible, désagréable, incompétente. Elle a fait un rapport sur moi, à mon insu, envoyé au rectorat. Elle était persuadée que j'étais un syndicaliste forcené qui influençait ses collègues. Je n'étais même pas syndiqué pourtant, ce qui ne m'empêchait pas de faire connaître mes convictions et surtout mes attentes de jeune prof. La première année, je n’ai eu qu’une envie : démissionner, me barrer de là. J’ai tenu comme j’ai pu, je me demande comment.

 

Ensuite est venue une nouvelle chef d’établissement, compétente, et ça s’est bien passé. J’ai ensuite demandé ma mutation sur Paris, alors qu’en parallèle j’avais repris une activité de chef de chœur en région parisienne, et j’ai obtenu un poste dans un prestigieux établissement parisien, avec des élèves très différents de ceux que j’avais eus jusqu’ici. J’ai alors repris goût à ce métier. C’était un établissement huppé, avec quand même un certain mépris de la part des élèves pour les enseignants, mais plus facile à surmonter que toutes les incivilités courantes dans les établissements où j’avais enseigné avant. J’ai alors pu réaliser des voyages scolaires, des projets en équipe. »

 

Comment en êtes-vous arrivé à une situation de démotivation, avec l’envie d’une seconde carrière ?

 

« Cependant, très vite je me suis aperçu que lorsque l’on est jeune et ambitieux, on ne peut rien faire à l’Education nationale.

 

J’ai eu de très bonnes inspections pourtant, mais ce qui m’a profondément démotivé, c’est cette commission paritaire qui m’a refusé le passage au grand choix et a baissé ma note administrative car elle ne se situait pas dans la fourchette pré-définie par le rectorat pour changer d’échelon. Dans le nouvel établissement où j’enseignais, il s’est trouvé que le principal adjoint était un pervers narcissique. Il rabaissait systématiquement les profs, et il m’a fait rapidement comprendre qui il était et qui j’étais, en m’enlevant la fonction de professeur principal – sous le seul prétexte qu'un prof de musique est incapable d'assumer une telle fonction, en ne me donnant pas d’heures supplémentaires, et quand il a manqué des heures dans la DHG de l’établissement, il m’a envoyé ailleurs faire un complément de service.

 

Je n’ai eu que des brimades de la part de cette personne, ça a été comme un harcèlement sur plusieurs années. J’avais alors un collègue de musique incompétent, qui avait toujours le bazar dans ses classes, mais comme il était plus ancien que moi dans le lycée, il était intouchable.

 

L’Education nationale est incapable de gérer ce genre de situations. L'IA-IPR me soutenait mais ne pouvait rien faire et le proviseur, un être respectable mais usé par le pouvoir, n'a pas agi. Dans un lycée prestigieux, un souci avec un professeur d'enseignement artistique est nettement moins préoccupant qu'avec un professeur de lettres ou mathématiques. J'ai découvert qu'il y avait plusieurs « castes » d'enseignants. Mon ras-le-bol est venu avec l’agrégation en 2006. Il y avait 12 places, j’ai été reçu 13e. Ça a été le coup de grâce, rater le concours à ce niveau prouvait que ce n'était ni mon savoir ni mes compétences qui étaient remises en cause mais que je n'étais plus en phase avec ce que demande l’Education nationale, et en 2006, je me suis dit qu’il était plus que temps de partir. Entre 2002 et 2006 je donnais quelques heures de cours dans un conservatoire, on m’y a promis un temps complet que je n’ai jamais obtenu.

 

J’ai alors contribué à la naissance et au développement un site web associatif autour de la musique, qui enregistre actuellement (en 2011, c'est nettement plus en 2025 ) 80 000 visites par mois : www.resmusica.com

 

J’y ai développé de nombreuses compétences pour me faire connaître dans le milieu culturel et artistique. En écriture, en analyse, en communication, en connaissances juridiques sur la propriété intellectuelle. Je me suis constitué un vrai réseau professionnel, à l’échelle européenne. Actuellement nous sommes une équipe de 5 personnes, regroupés en loi 1901, qui gère un réseau de 60 pigistes partout dans le monde francophone. »

 

Quand aviez-vous contacté AIDE AUX PROFS ?

 

« Fin 2006, après de nombreuses recherches sur le web, je tombe sur le site web d’AIDE AUX PROFS. Un conseiller bénévole m’a aidé à réaliser mon CV, à prospecter des annonces, à rédiger mes lettres de motivation, à décrocher et à préparer mes premiers entretiens.

 

En juin 2007 j'étais en dernière phase de recrutement pour un très beau poste à Radio-France, que je n'ai pas eu lors de l'entretien final – il fallait choisir entre deux candidats, dont moi. J’évoque à mon chef d’établissement – le proviseur, pas son adjoint pervers - mon projet de mobilité hors de la classe, et il est très gêné de me voir partir. Il me dit « comprendre » ce que je ressens, et « n’avoir pas eu conscience du découragement que la situation générait » chez moi. Comme je n’avais pas été retenu pour Radio France, il m’a confié une mission, celle de créer une classe à option musique en collège. Il y avait un dossier à réaliser, des partenaires à trouver. Le directeur du conservatoire voisin a été ravi, et le rectorat a donné des heures supplémentaires pour que je puisse m’y atteler. Mais voilà…tout était trop beau. Le proviseur adjoint a fait ensuite tout ce qu’il pouvait pour détruire l’option et y a réussi (elle concurrençait son projet de classe bilingue chinois, qui depuis prospère). Il n’a jamais communiqué sur ce projet musique auprès des parents d’élèves, et le proviseur, lui, fermait les yeux sur cette situation car il ne songeait qu’à prendre sa retraite. Son adjoint ne pensait qu’à me mettre des bâtons dans les roues. Donc j’ai travaillé pour rien, et j’ai laissé tomber le projet. Je me suis ensuite totalement désinvesti de la vie de l’établissement, en reportant toute mon énergie et mon enthousiasme sur ResMusica.

 

Quel a été le déclic qui vous a fait quitter les élèves ?

 

« En 2008-2009, j’en ai eu vraiment marre. Partir, vite…Je ne pouvais plus tenir. J’ai alors recontacté AIDE AUX PROFS, j’ai repris ma prospection avec leur soutien à distance. J’ai passé plusieurs entretiens.

 

J’ai aussi bénéficié cette année là dans cette association, grâce à une enseignante qui passait son master en coaching, et avait besoin de suivre des personnes pour valider son diplôme, d’un suivi toutes les semaines, qui m’a beaucoup apporté. Elle avait proposé gracieusement ses services aux enseignants qui contactaient AIDE AUX PROFS, qui l’a mise alors en relation avec six enseignants au total. Ce coaching m’a redonné confiance en moi, en mes possibilités de changer. A la rentrée 2009, toute l’équipe de direction de mon établissement avait changé, c’était la fin des « privilèges indus », la fin de ce fonctionnement médiéval que je supportais plus. La nouvelle équipe de direction a alors encouragé mes projets, j’ai pu faire des voyages pédagogiques, j’ai récupéré des heures de lycée, j’ai pu être de nouveau inspecté, au total je l’aurais été 3 fois en 12 ans, ce qui est rarissime en région parisienne.

 

Mais pour moi, c’était fini, le travail de sape avait été trop important par l’ancienne direction, je n’avais plus envie de renoncer à mon départ. Un enseignant est trop impliqué dans son métier, alors quand ses supérieurs chargés de coordonner la vie de l’établissement et de le gérer s’y mettent aussi, ça devient l’enfer. Le précédent adjoint avait totalement dénigré mes compétences, ma passion d’enseignant, mon enthousiasme, il m’a dégoûté de l’enseignement. Du coup, j’ai prospecté plus souvent des postes en détachement.

 

Mon collègue, qui n’était qu’à temps partiel, a demandé à travailler à plein temps, et du coup j’ai été victime d’une mesure de carte scolaire…car il n’y avait plus assez d’heures pour moi dans l’établissement, puisque j’étais toujours « le dernier arrivé ». Mais heureusement, le nouveau proviseur a tout fait pour me débloquer 10h pour que je puisse rester en partie.

 

Fin mai 2010, j’ai eu plusieurs entretiens pour un recrutement en détachement au CNDP (devenu CANOPE) de Poitiers, car j’avais alors décidé d’être mobile sur toute la France. Je suis devenu chargé de mission pour la musique au CNDP. Au total, entre le moment où j’ai commencé à chercher et celui où j’ai obtenu le poste que je recherchais, il s’est passé 3 ans. »

 

Quelles sont vos missions et responsabilités sur ce nouvel emploi ?

 

« J'étais chargé d’expertiser tous les projets de près ou de loin que les CRDP envoient au CNDP. J’y avais un regard critique, je fus chargé aussi d’initier de nouveaux projets d’après les textes que l’Education nationale publiait, et les projets des professeurs, en collaboration avec des structures culturelles. J’ai travaillé sur la traduction d’un livre sur l’éducation au son, réalisé par un compositeur et pédagogue canadien, R. Murray Schafer. Cela traitait du son scientifique, de l’audition, de la prévention contre le bruit, de la variété des sons au niveau musical, etc. Je travaillais sur des projets en réseau, avec des institutions ou des organismes privés, comme pour Francofolies. Je recrutais aussi des auteurs pour concevoir des notices pédagogiques, et je travaillais en pluridisciplinarités au sein d’une équipe de chargés de mission très sympathiques. J'étais très souvent en contact avec tous ces interlocuteurs, artistes, institutionnels, enseignants, … ce qui me passionne.

 

Vous avez 12 ans d’expérience professionnelle comme enseignant. Quelles compétences avez-vous pu apporter dans ce nouveau métier ?

 

« Savoir bien écrire, avoir des connaissances solides sur les programmes éducatifs, le milieu de la pédagogie et celui de la musique. L'esprit de synthèse, la réactivité, l'aptitude à prendre la parole en public aussi.

 

Je dispose également d’un solide carnet d’adresses dans le milieu culturel, c’est important dans le cadre des contacts professionnels, des relations publiques pour mener des projets, recruter des auteurs. Ainsi je n’ai pas de mal à trouver rapidement des auteurs capables d’écrire sur la musique, c’est un gain de temps appréciable. »

 

Comment s’est déroulé votre recrutement par le CNDP ?

 

« J’ai eu deux entretiens successifs. Le premier avec la Directrice de l’Edition, son adjoint chargé du pôle Arts et Culture et la Directrice des Ressources Humaines. Au deuxième entretien, j’étais reçu par le Directeur général du CNDP. Cela s’est très bien passé, car je me sentais bien préparé, les précédents entretiens auxquels je m’étais rendu avaient été profitables, plus l'aide de l'année de coaching. Il est important, dans un entretien de recrutement, de bien se comporter, de savoir parler, se positionner par rapport aux attentes des interlocuteurs, il y a des codes de comportement à respecter. A aucun moment je ne me suis senti déstabilisé par les questions qui m’ont été posées, ce qui n’a pas toujours été le cas dans les entretiens précédents auprès d’autres structures. J’ai eu des questions portant sur mes compétences, sur les projets que j’ai pu développer en dehors de l’Ecole. J’ai senti au cours de l’entretien que les savoir-être sont importants sur le type de poste que j’occupe, que cela exige beaucoup de diplomatie, car on est amené à travailler très souvent en équipe, parfois en urgence sur certains dossiers, et en relation directe avec les services centraux du Ministère ou les IGEN.

 

Ce type de recrutement est-il sélectif, et quelles contraintes cela vous a-t-il imposé ?

 

« Là, il y a eu à peu près 10 candidatures pour le poste que j’occupe, qui est en détachement, avec un contrat d’un an renouvelable chaque année. Il faut être productif pour rester d’année en année sur son poste, ça paraît logique.

 

*** *** ***

AIDE AUX PROFS précise à ce stade qu’il en est ainsi pour tous les emplois en détachement : les structures qui recrutent sur profil attendent un investissement dans le travail, le respect des contraintes liées au profil de poste, où l’horaire de travail n’est qu’indicatif, et peut varier en fonction du cycle de production de contenus, avec des mois très chargés – plus de 50h par semaine - et d’autres qui le sont un peu moins.

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Il a fallu aussi que je déménage sur Poitiers, car je ne voulais pas laisser passer cette chance. Au niveau administratif, le Rectorat de Paris a tardé à réagir, je n'ai pas eu l'arrêté officiel de détachement lors de ma prise de poste alors que CNDP avait fait la demande début juin. J’ai dû faire intervenir la DRH pour accélérer les choses, et en définitive l'arrêté est arrivé en octobre.

 

Avec les retards, remboursements et rattrapage de salaire que cela implique.

 

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A ce niveau, AIDE AUX PROFS tient à souligner la lenteur des procédures administratives de détachement, incompréhensible à l’heure de l’informatique, et dans le contexte de rénovation de la Gestion des Ressources Humaines lancé depuis la rentrée 2009 par Josette THEOPHILE, DGRH jusqu'en 2012.

 

Le cas de Maxime KAPRIELIAN est loin d’être isolé, car nous avons des échos, chaque année depuis notre création en 2006 et toujours en 2025, de nombreux désagréments de ce type, avec parfois des refus de détachements, en particulier en cours d’année scolaire, alors que la loi du 3 août 2009 sur la mobilité interministérielle, dont le principal décret d’application est paru le 12 novembre 2010, promettait à tout fonctionnaire d’effectuer sa mobilité moyennant un préavis de 3 mois à son administration.Cette loi comme toutes les autres fut un mensonge pour les enseignants. Seules les lois qui comportent des aspects négatifs (comme reculer l'âge obligatoire pour prendre sa retraite) sont appliquées immédiatement, tandis que celles qui comportent des promesses mirobolantes, sont rarement appliquées, ou rapidement enterrées.

 

Manifestement, tout cela est fait exprès, de la part de hauts fonctionnaires, de Chefs de Bureau qui font tout pour décourager les professeurs de partir, en leur infligeant un véritable calvaire psychologique, jusqu'au découragement. Voilà comment sont traités les professeurs dans l'Education nationale, même en 2025.

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Comment votre hiérarchie proche a-t-elle accueilli votre départ en détachement ?

 

« Quand j’ai annoncé ça à mon inspectrice, elle n’a pas été du tout souriante et m’a dit stricto sensu : « vous abandonnez lâchement vos collègues » suivi de « vous me mettez dans l'embarras » puisqu'il fallait me trouver un remplaçant.

 

Un départ en détachement est vécu comme une trahison, pas comme un enrichissement du parcours de carrière, pas comme une valorisation des compétences, et en tous les cas pas comme un droit, une liberté de l’individu. Quand j’ai annoncé mon départ à mes collègues, certains ont manifesté une certaine jalousie, suspectant que j’avais pu être « pistonné » alors que ça n’est vraiment pas le cas, d’autres m’indiquant que j’étais « inconscient », outrés que je puisse aller travailler en dehors de l’Ecole, pour le CNDP, qui fait partie intégrante, pourtant, de l’Ecole, à travers l’importance de ses productions pédagogiques à destination des enseignants. » 

 

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AIDE AUX PROFS tient à insister sur ce point lié au départ en détachement, ou en disponibilité : le regard de la hiérarchie est encore, pour une très large majorité, négatif, culpabilisateur, vécu comme une trahison à sa mission de transmission du savoir. La volonté de l’enseignant d’aller faire autre chose pour une durée plus ou moins longue, non programmée à l’avance, est niée, souvent méprisée, cela pose un grave problème de Gestion des Ressources Humaines, à une époque où la DGRH demande pourtant aux académies de faciliter les secondes carrières. On se rend mieux compte ainsi que modifier les comportements ne se décrète pas, et que ce ne sont pas des circulaires qui changeront du jour au lendemain des pratiques ancestrales.

 

En 2025 en vue de la rentrée, la "GRH de proximité" se renforce avec des Conseillers Mobilité Carrière chargés de ne faire que de l'accompagnement en mobilité professionnelle.

Mais que tout cela sonne faux en 2025: leur rôle est bien sûr de signaler aux IEN et IA-IPR ceux qui veulent partir, pour leur proposer à tout prix de rester, dans des missions qui intéressent le système, mais ne passionneront pas du tout ceux qui veulent quitter l'éducation nationale définitivement.

La GRH de proximité est juste un outil pour tenter d'enrayer la pénurie des enseignants en France. Il n'y a aucune volonté de faciliter les secondes carrières des enseignants.

 

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Aviez-vous eu un contact avec votre académie dans le cadre de votre projet de seconde carrière ?

 

« Oui, j’avais pris contact par téléphone avec le service des Ressources Humaines, ça a été la première et la dernière fois, vu le discours qui m’a été tenu : « là où vous êtes, les élèves sont gentils, pourquoi voulez vous quitter l’enseignement ? » Quand je leur ai demandé si je pouvais bénéficier d’un accompagnement, de conseils, il m’a été répondu : « Non, on prend seulement en charge les reconversions des personnels en grande difficulté. » Je n’ai donc jamais eu un seul renseignement sur le détachement ou la disponibilité par les services du rectorat, tous mes mails vers eux sont restés sans réponse.

 

Quelles sont les compétences que vous avez développées dans l’enseignement, et celles qui vous sont utiles sur vos nouvelles fonctions ?

 

« Comme enseignant, la capacité de prise de parole devant différents publics, l’esprit de synthèse et d’analyse, la réactivité aux imprévus et à l’actualité pédagogique, la faculté de sentir rapidement l’atmosphère d’une classe et les difficultés qui peuvent y survenir, et y réagir très vite avant que cela ne dégénère. La maîtrise de soi aussi, le fait de savoir conserver son calme quoi qu’il arrive.

 

Actuellement, comme professeur détaché, l’esprit de synthèse et d’analyse me sont utiles, ainsi que mes qualités rédactionnelles, mon sens des relations humaines, notamment avec les adultes -car on le développe peu en fait en établissement, du fait qu’il y est difficile de motiver ses collègues pour travailler en équipe, le métier d’enseignant demeure encore assez individualiste.

 

Au CNDP, le travail en équipe est la règle, la hiérarchie est bien plus présente qu’en collège ou en lycée, et surtout, le dialogue y est nettement plus facile. Il n’y a jamais de malentendu, c’est très différent de la situation du professeur seul dans sa classe. Tous les jours je reçois des mails, des appels téléphoniques, ce qui exige d’être à l’écoute, patient, diplomate, réactif. Comme nous sommes une dizaine de chargés de mission, il est indispensable de conserver un bon esprit d’équipe pour travailler de concert. On ne se fâche jamais entre nous, alors qu’en établissement, ça pourrit souvent les relations entre collègues, certains refusant de changer leurs pratiques, enferrés dans leurs convictions, même s’ils ont tort. »

 

Comment voyez-vous l’avenir, au-delà de vos fonctions actuelles ?

 

« Il est clair que je ne remettrais plus jamais les pieds dans une salle de classe. Ma vie est devenue autre chose. Je ne regrette pas mes 12 années d'enseignement, mais prof, c’est un métier où l’isolement est trop important, que ce soit face aux élèves, aux parents, à la hiérarchie. On est seul, laissé à soi-même, beaucoup trop dépendant du bon vouloir de la hiérarchie, ce qui conduit à des abus, comme ceux dont j’ai été la victime.

 

Quand un personnel de direction se révèle incompétent sur ses fonctions, il n’y a pas de recours possible, c’est l’omerta institutionnelle. Je ne suis personnellement pas du tout intéressé par le métier de chef d’établissement, ça ne me fait pas du tout envie. J’ai développé des compétences nouvelles. Pour beaucoup de personnels administratifs persiste le mythe du prof déconnecté de la réalité, même au sein de l’administration centrale du MEN.

 

J’avais posé ma candidature sur un poste où la chef de bureau m’avait dit « Ici fini vos 18h et vos grandes vacances, il va falloir apprendre à travailler si vous êtes pris, il va falloir changer de rythme. » Globalement, le positionnement administratif manque au métier d’enseignant. Ce que j’ai appris avec ResMusica me sert particulièrement à ce niveau dans mes fonctions actuelles, j’optimise ici les compétences que j’y ai acquises. L’expérience que je vis actuellement est très valorisante au niveau culturel, professionnel, personnel. Je compte bien m’investir durablement dans mes nouvelles fonctions qui me passionnent.

 

Pour terminer, que souhaitez-vous dire à ceux qui rêvent déjà en vous lisant de vous imiter ?

 

« Ne comptez que sur vous-même, n’attendez rien de l’institution en matière de reconversion, car quand on veut changer de métier, c’est à soi-même de réaliser les démarches indispensables, car l’administration ne vous apportera rien sur un plateau.

 

Pourtant, pour beaucoup d’enseignants perdure l’idée que « tout leur est dû ». Eh bien non. En matière de reconversion, tout n’est pas dû. Il faut se motiver soi-même, aller de l’avant, réaliser son CV, ses lettres de motivation, aller à des entretiens…et ne jamais se décourager, penser toujours à l’objectif, sans jamais l’abandonner en repoussant à une autre année. »

 

Depuis cette interview, le parcours de Maxime KAPRIELIAN s'est poursuivi brillamment. Encore une fois, cela montre l'incompétence notoire des personnels d'inspection et de direction au sein des académies à savoir repérer "les talents".

 

L'Education nationale n'a que pour objectif d'infantiliser ses ressources humaines, pour les empêcher de repartir ailleurs, en leur faisant croire qu'elles sont indispensables là où elles sont;, et qu'elles ne repartiront pas de sitôt. Il faut une grande détermination, beaucoup de force d'âme, pour parvenir à quitter pareil système de maltraitance.

 

PARCOURS DE MAXIME KAPRIELIAN DEPUIS 2011:

Nov. 2011 - nov. 2014 3 ans 1 mois - CNDP
Fontenay-le-Comte, Pays de la Loire, France
- Préparation artistique, technique et budgétaire de concerts et manifestations culturelles.
- Recrutement et encadrement des chœurs ; planification des répétitions, recrutement des solistes, établissement des matériels d’orchestre ; écriture et publication des programmes de salle
- Recherche de répertoire, recherche musicologique, reconstitution, adaptation et édition de partitions.

Oct. 2005 - août 2014 8 ans 11 mois - CNDP (Paris)
- Responsable du contenu éditorial (dossiers thématiques, ligne éditoriale, partenariats, ...)
- Contacts réguliers avec les attachés de presse, directeurs de la communication, directeurs artistiques et administrateurs des principaux acteurs de la musique en France et à l'international
- Contacts réguliers avec les éditeurs et distributeurs phonographiques
- Rédaction et correction d'articles, de chroniques de concerts, disques, livres et DVD et de dossiers de fond

 

Le 15 Juin 2016, Maxime KAPRIELIAN témoignait à notre 3e colloque à Paris (dans l'amphithéâtre de la MGEN, près de la Tour Montparnasse).

Son parcours professionnel s'est considérablement enrichi depuis:

 

Sept. 2014 - avr. 2025 10 ans 8 mois
Chef de choeur
Ensemble vocal Cantabile opus 85 - 
Marseille Area, France


- Diffusion de l'ensemble Musicatreize auprès des programmateurs et diffuseurs (théâtres, opéras, scènes, régies culturelles, festivals, fondations, etc) : montage et gestion de projets artistiques (nationaux et internationaux - tournées en Colombie, Etats-Unis, Arménie, Chine) / recherche de partenariats et financements.
- Réseau : établissement d’un réseau international de contacts (universités, services culturels des collectivités et de l’Etat, fondations, agences artistiques, festivals,…

 

Sept. 2015 - avr. 2025 9 ans 8 mois
Aix-En-Provence Area, France

Collaborateur artistique, Chargé de diffusion
Musicatreize / centre national d'art vocal

- Préparation artistique, technique et budgétaire de concerts et manifestations culturelles.
- Recrutement et encadrement des chœurs ; planification des répétitions, recrutement des solistes, établissement des matériels d’orchestre ; écriture et publication des programmes de salle
- Recherche de répertoire, recherche musicologique, reconstitution, adaptation et édition de partitions.

 

Août 2007 - aujourd’hui 18 ans
Chambéry Area, France
- conseiller artistique
- conférences
- tables rondes
- coordination de production
Chef de choeur / directeur artistique et musical
Choeur Darius MILHAUD

 

sept. 2023 (depuis 1 an 11 mois) 
Aix-en-Provence, Provence-Alpes-Côte d’Azur, France
- Musiques de patrimoine et création, opéra et politiques culturelles publiques /Interventions dans le cadre du Master "Politiques culturelles et mécénat"
- Conférencier / musicologue - Académie-Festival des Arcs

Depuis mai 2025 - Directeur général - Orchestre Dijon Bourgogne 
Dijon, Bourgogne-Franche-Comté, France

Direction générale de l’Orchestre Dijon-Bourgogne
- mise en œuvre du projet artistique
- diffusion régionale
- actions culturelles
- création et suivi des partenariats
- initiation et suivi du mécénat
- pilotage stratégique

 


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