· 

Jacqueline : de professeur de maths en collège à la C.S.I puis la Formation


Jacqueline : de professeur de maths en collège à la C.S.I puis la Formation

Interview de Rémi BOYER pour l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°108 de décembre 2009 sur le Café Pédagogique.

 

Quelles ont été les étapes de votre parcours de carrière ?

 

J'obtiens mon Capes de mathématiques en 1975 et j'effectue les stages pratiques correspondants comme professeur stagiaire dans l'académie de Clermont-Ferrand. En 1976, mutée dans l'académie de Versailles, je débute comme professeur de mathématiques dans un collège du Val d’Oise où je reste 9 ans. Puis j’enseigne 5 ans dans un collège à Montrouge. En parallèle, je reprends des études à Paris X où j’obtiens d’abord une licence d’histoire de l’art, puis un DEA en sciences de l’éducation en 1989, tout en travaillant à plein temps.

 

En 1985, je suis amenée à postuler à la Cité des Sciences et de l'Industrie (CSI) à la Villette au moment de sa création à Paris. A l'époque, je n'ai pas donné suite à cette candidature car je venais de changer de collège. Cependant, je suis restée en contact avec cet établissement, sensible aux activités offertes sur le plan de la culture scientifique, y emmenant les élèves chaque fois que cela était possible. En 1990, je saute le pas et après une candidature spontanée, je suis mise à disposition de la Cité des Sciences et de l'Industrie. Les contrats étaient de 2 ans renouvelables une fois. Au bout des 4 ans, j'ai eu l'opportunité de poursuivre un an de plus.

 

En 1995, j'obtiens une nouvelle mise à disposition auprès de l’association France-Québec, sur un poste de secrétariat général qui n’existe plus aujourd’hui je crois, puisque tous les postes de MAD ont quasiment tous été supprimés.

 

En 1997, quand je quitte cette association, j'intègre un poste de formateur au Centre Paris Cronstadt, établissement de formation continue pour le second degré dans les Enseignements Adaptés, rattaché au Centre National d'Etudes et de Formation pour l'Enfance Inadaptée (Cnefei). Au début, en délégation rectorale, puis sur un poste à profil. Je travaille toujours à Suresnes dans cet établissement, devenu INS HEA (Institut National Supérieur de Formation et de Recherche sur le Handicap et les Enseignements Adaptés). Dans ce lieu, mes actions de formation s'effectuent principalement dans le cadre d'un partenariat entre la Direction Générale des Enseignements SCOlaires (Dgesco) et la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (DPJJ) et concernent essentiellement la question de la culture et des savoirs de base pour des adolescents en rupture.

 

Quelles étaient vos fonctions à la Cité des Sciences durant ces cinq années ?

 

Les deux premières années, j’étais chargée de promotion auprès du secteur éducatif avec pour mission d'assurer un rôle de médiateur entre la Cité et le monde scolaire, de former à l'utilisation pédagogique du lieu, de donner aux enseignants les clés les plus efficaces possibles pour utiliser la Cité en toute autonomie avec leurs élèves.

 

Les activités étaient très variées :

- organisation et encadrement des mercredis découverte (journées d'information sur la Cité et ses ressources) pour des groupes d'enseignants ;

 

- missions en région avec les partenaires éducatifs (responsables d’actions culturelles des rectorats, coordonnateurs de ZEP, délégués de la FOL (Fédération des Œuvres Laïques), de l’OCCE (Office Central de la Coopération à l'École) ;

 

- conception sur demande de stages de formation ponctuels (1 à 3 jours) pour des IEN (Inspecteurs de l'Education Nationale), des CASU (Conseillers d'administration scolaire et universitaire) …

 

Au bout de deux ans, j’ai rejoint le Département Education à la Direction Jeunesse Formation de la CSI sur un poste de chargée d’études. Ce département responsable d’actions de formation et d’éducation (les classes Villette, entre autres…) était constitué d'une équipe d’une dizaine de personnes, enseignants d’école primaire, de collège, de lycée. C’était un environnement de travail très fécond… Les différences d'approche pédagogique de ces enseignants, ont constitué, pour moi, une expérience professionnelle très enrichissante. Mon objectif, dans ce contexte, était de mettre l'accent pour les élèves et les enseignants sur le questionnement et la réflexion autour des savoirs et des pratiques dans les domaines scientifiques, à partir de situations concrètes. Et ce, à travers des actions diversifiées :

 

- conception et animation d'un stage Pratiques pédagogiques pour des Professeurs des Ecoles en formation;

- suivi des classes Villette Sciences et Art et Apprendre autrement ;

- conception de documents favorisant l'autonomie du public dans une exposition (en particulier, réalisation du citédoc Mathématiques avec une collègue).

 

Au sein de cette équipe, j'ai participé à des actions plus globales nécessitant des qualités de communication, des capacités de gestion et d'organisation matérielle :

- coordination de l'offre de formation destinée aux IUFM ;

- organisation des sessions de formation des classes Villette ;

- participation à l'organisation des Entretiens de la Villette ;

- aide au montage de séminaires sur la culture scientifique et technique des enseignants et leur formation, destinés à des formateurs de la Communauté Européenne et des pays d'Europe de l'Est, etc.

 

Quel souvenir vous laisse cette expérience à la CSI ?

 

Cette expérience a été très enrichissante professionnellement. Elle a constitué pour moi un vrai tournant. La Cité des Sciences reste dans mon souvenir, un lieu foisonnant où chacun pouvait s'essayer à de nouvelles fonctions. Je crois y avoir acquis des compétences que je n’aurais pu développer dans ma pratique de professeur de maths en collège. Sur ces postes, on ne m’a pas demandé au préalable de diplômes en communication ou en marketing, ni de témoigner d'une expérience de formateur. J'ai pu me risquer à des expériences professionnelles inconnues pour moi. Chemin faisant, j’ai beaucoup appris, sur le tas comme on dit. J’ai constaté que je pouvais être réactive et capable de m'adapter. Et surtout, j’ai découvert à travers toutes ces fonctions ce que je voulais faire vraiment : de la formation. En tant que professeur de mathématiques, je me suis sentie très rapidement enfermée dans ma discipline, j'ai eu besoin de sortir de ce que je considérais comme un carcan, pour aller vers plus d'ouverture, la culture scientifique d'abord, puis la culture dans toutes ses dimensions et sous toutes ses formes.

 

Quelles compétences avez-vous acquises à la CSI ?

 

En savoir-faire : la capacité à concevoir, organiser et gérer des formations pour adultes, donc à pratiquer ce qu'on appelle l’ingénierie de formation.

 

En savoir-être : la communication, le dialogue, les relations avec des professionnels enseignants et non enseignants ; dans le montage et le suivi de projets : le besoin de satisfaire au mieux les intérêts de chacun, la recherche du bon compromis.

 

Qu’avez-vous fait lorsque vous avez travaillé à l’association France-Québec ?

 

J’étais chargée de l’animation et de la coordination d’actions destinées à faire connaître et aimer le Québec aux Français, visant à favoriser la coopération et le développement des relations entre les deux pays (en particulier par des programmes d'échanges, des stages de jeunes durant l'été…). Cependant, au fil des mois, l'intérêt pour cette nouvelle expérience s'est fait plus ténu. L'activité principale, qui supposait la direction d'une petite équipe franco-québécoise, consistait surtout en une gestion administrative des décisions du bureau national de l'association. Je me sentais assez éloignée de l'activité de formation que je souhaitais poursuivre. Je suis donc partie par choix au bout de 2 ans.

 

Et ensuite, où êtes-vous allée ?

 

Avant de partir de la Cité des Sciences, j'avais mis à jour le fichier des IUFM et j’avais alors remarqué que l’IUFM de Versailles disposait d’une antenne à Paris, rue de Cronstadt. Cet établissement (le Centre Paris Cronstadt) s'occupait au niveau national de la formation continue des enseignants exerçant en Segpa et en Erea. J’avais alors rencontré le directeur. Mon profil (professeur du second degré avec une expérience dans la formation d'enseignants du premier degré -à la CSI-) l’avait intéressé. Nous sommes restés en contact. Par un heureux concours de circonstances, au moment où j'ai décidé de partir de l’association France-Québec, il a fait appel à moi, un poste s'étant libéré dans son établissement. J’ai donc pris des fonctions de formateur dans cette structure en septembre 1997. Dans le même temps, le Centre Paris Cronstadt était rattaché administrativement au Cnefei de Suresnes.

 

Quelles sont vos responsabilités et vos missions ?

 

Mes actions de formation concernent des professionnels de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, des formateurs engagés dans des associations, des personnels des missions locales… ainsi que des enseignants exerçant en CEF (Centre Educatif Fermé), en milieu pénitentiaire, en dispositifs relais, en Rased, Segpa, Erea… Deux préoccupations sont au cœur de ces formations relevant de la lutte contre l'illettrisme : la question des obstacles à l'apprentissage et la problématique de l'adolescent en difficulté et/ou en rupture scolaire (relevant des enseignements adaptés, des dispositifs relais ou des structures de la PJJ…). Ces formations se font sur tout le territoire national, aussi je suis assez souvent en déplacement en France.

 

Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur ce parcours de carrière, toutes ces secondes carrières ?

 

Professeur de mathématiques, mes études en Sciences de l'Education concernaient le rapport au savoir mathématique. Ensuite, mes réflexions et mes actions se sont élargies à la culture scientifique et technologique. En tant que professeur-formateur, j'assure des formations dans un contexte ouvert à la culture en général. Dans ce parcours, la CSI a été le moment crucial. Aujourd'hui, je me sens plus généraliste que spécialiste. Si je devais refaire des études, je pense que je deviendrais professeur des écoles… Je me sens toujours enseignante, c’est un métier que je n’ai pas quitté, même si je l’exerce différemment. Je fais ce que j’aime : de la formation et dans un domaine qui me permet de toucher à plusieurs disciplines (mathématiques, sciences, littérature, arts…). Ce qui m'intéresse par-dessus tout, c'est de transmettre, de permettre à l'autre d'acquérir à son tour l'envie et la capacité d'apprendre sans lesquelles on n'est pas libre…

 

Quel regard portez-vous sur l’administration dans sa gestion des compétences des professeurs ?

 

Je ne me sens pas considérée dans ce que je suis réellement. L’administration s'intéresse seulement aux statuts des personnes et peu à leurs compétences. Pour elle, je suis et je reste professeur certifié de mathématiques. Tout ce qui a été acquis en dehors ne compte guère.

 

Depuis que j’ai quitté l’enseignement en collège, cela a un peu changé : il me semble que les compétences acquises en cours de carrière ont été davantage prises en compte… mais je n'en suis pas si sûre au fond… Cependant, au rectorat de Versailles, puisque je suis toujours dans cette académie, je dois dire que les personnes qui gèrent mon dossier à travers I-Prof, sont très compétentes, et quand je pose une question, je bénéficie d’une véritable écoute de la part des correspondants pour les mathématiques.

 

Aviez-vous eu des appréhensions pour quitter votre collège ?

 

Non, pas du tout. Après 14 ans d'enseignement des mathématiques en collège et parce que je me sentais à l'étroit dans cette discipline, j'aspirais vraiment à autre chose. J’emmenais souvent mes élèves à la Cité des Sciences et j'ai été très heureuse d'aller y travailler. C'est à ce moment-là en pratiquant un autre travail à la CSI que je me suis rendu compte par contraste que le métier d’enseignant était très fatigant. En réalité et je ne l'avais pas mesuré, pour être enseignant, il faut avoir une excellente santé, c’est très physique et la tension psychique est très forte, quel que soit l'âge des élèves et quelle que soit la discipline enseignée.

 

Quels conseils donneriez-vous à de jeunes profs ?

 

Etre ouvert à toute expérience nouvelle dans le métier, ne se priver de rien, multiplier les opportunités de professionnalisation différente, ne pas hésiter à renoncer à ce qu'on considère comme des avantages –congés scolaires par exemple– pour explorer d'autres fonctions, dès lors qu’une envie existe… Accepter de perdre momentanément… pour gagner ultérieurement en expériences professionnelle et personnelle …

 


Écrire commentaire

Commentaires: 0