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Hélène BORDIER, professeur de Lettres Modernes devenue Conseillère Mobilité Carrière


Hélène BORDIER, professeur de Lettres Modernes devenue Conseillère Mobilité Carrière (CMC)

 

Interview de Rémi BOYER pour l’association AIDE AUX PROFS, publiée dans le mensuel n°106 d’octobre 2009 sur le Café Pédagogique.

 

Hélène Bordier, professeur de Lettres Modernes devenue Conseillère Mobilité Carrière (CMC)

 

Quel a été votre parcours avant d’amorcer cette seconde carrière ?

 

« Après une licence de Lettres Modernes à l’université de Poitiers en 1996 puis une maîtrise à Poitiers et à Manchester en 1996-98, j’obtiens le CAPES de Lettres modernes en 1999. J’ai fait mon stage dans un collège rural des Deux-Sèvres et j’ai ensuite demandé ma mutation dans l’académie de Créteil où j’ai exercé dans des collèges ZEP et en RAR. A partir de 2003, alors que je regrettais de ne pas avoir fait des études de psycho, je découvre le coaching et me lance dans une formation. Cet outil, qui devait au départ constituer un plus dans ma fonction d’enseignante, devient vite une passion. Je complète mon cursus avec des études en PNL (Programmation Neuro Linguistique) jusqu’en 2007 où j’obtiens un Master dans cette spécialité ainsi qu’avec d’autres formations plus ponctuelles sur des techniques spécifiques comme l’énnéagramme (profils de personnalité), l’analyse systémique, la gestion des émotions, etc. »

 

En 2007, Hélène décide de prendre une disponibilité pour amorcer sa seconde carrière, pensant dans un premier temps créer une entreprise. Elle réalise toutes les démarches nécessaires pour cela, mais se ravise pour se joindre à des amies qui créaient, justement, leur entreprise de coaching et de formation. Durant une année, elle s’investit dans ce projet mais le quitte finalement en juin 2008 : « La création d’entreprise en réseau est une belle idée, mais sans leadership clair et assumé, ça devient compliqué ! » explique Hélène.

 

Aussi, après avoir réalisé en parallèle de multiples expériences dans le domaine du coaching et de la formation (pour collégiens, jeunes sans emploi, adultes), Hélène souhaitait utiliser ses nouvelles compétences pour un public qu’elle connaissait bien : les enseignants. Elle adresse donc à tout hasard un courrier et un CV à la Direction des Ressources Humaines du rectorat de Créteil pour se renseigner sur les structures travaillant sur ce type de missions et pour proposer ses services.

 

Elle est convoquée et, à sa grande surprise, on lui propose un poste, qu’elle refuse… cela supposait en effet qu’elle renonce à sa disponibilité et à une forme d’indépendance pour reprendre un statut d’enseignante et occuper le poste en question, en « mise à disposition auprès du recteur ». « Finalement, je me suis laissée tenter, la mission m’intéressait à 100%, j’ai rappelé en indiquant que j’étais disponible, et fin septembre 2008, le rectorat m’a proposé le poste. En Janvier 2009, j’ai su que je devenais Conseillère Mobilité Carrière ».

 

En quoi votre parcours de carrière vous a-t-il préparée à devenir CMC ?

 

« Je m’intéresse aux personnes, j’ai la volonté d’agir pour que les gens se sentent bien, pour qu’ils soient bien orientés professionnellement. De plus, je suis la preuve vivante qu’une reconversion est possible, alors pourquoi ne serait-ce pas possible pour les autres ? J’ai expérimenté moi-même ce long processus de changement et peux témoigner sur les avantages et les difficultés. » Avec sa formation en PNL, Hélène a acquis de nombreux savoir-faire et savoir-être : « entrer en relation de manière efficace, avoir un positionnement juste, éviter les projections tout en accompagnant les personnes, les aider à se mettre dans une dynamique de changement, pratiquer l’écoute active. Grâce à mon expérience de création d’entreprise, j’ai appris à travailler en bureau et j’ai développé mes compétences en gestion du temps, en organisation, en définition de priorités et en prise d’initiatives. »

 

En quoi consistent les différentes missions d’un CMC ?

 

« Au début, j’étais nommée chargée de mission, CMC, c’est depuis peu, je suis en train d’apprendre ce nouveau métier en le pratiquant. Je réalise des accompagnements individuels à la mobilité en recevant des enseignants, en les informant sur les différents métiers qui peuvent leur être accessibles. Ma mission consiste aussi en développement de partenariats. Je me vois comme une personne ressource sur laquelle les personnes peuvent s’appuyer pour amorcer un virage professionnel ou pour se remobiliser sur leurs fonctions. J’ai par ailleurs un rôle de conseil auprès du DRRH (sur les métiers, la conduite du changement de manière individualisée,…). Un CMC fait l’interface entre l’institution et les personnels».

 

Quels sont les moyens et les outils mis à votre disposition ?

 

« Je dispose d’un bureau personnel, d’un ordinateur de bureau avec imprimante, d’une ligne téléphonique fixe, et d’une secrétaire qui est chargée de prendre les rendez-vous et de transmettre des documents aux personnes dont je suis le projet. Je peux programmer des formations dans l’une des salles disponibles au rectorat de Créteil, et mon supérieur hiérarchique, le Directeur des Relations et des Ressources Humaines (DRRH), Philippe REYMOND, est à l’écoute de mes propositions, de mes idées. Il me laisse libre d’organiser les choses telles que je les ressens. Je dispose de documents comme le Répertoire Interministériel des Métiers de l’Etat (RIME), et quelques ouvrages sur les compétences des enseignants. J’ai la possibilité de me rendre aux différents salons de l’emploi pour collecter de l’information, de faire une veille documentaire sur le web et d’aller rencontrer des partenaires. Je bénéficie aussi d’une formation au métier de CMC, puisque c’est un nouveau métier. De plus, les CMC de toutes les académies travaillent en réseau : nous nous échangeons nos documents, des informations diverses et des retours d’expériences. »

 

Cet emploi est-il une seconde carrière pour vous ?

 

« Oui car j’ai changé de mission. Je ne me sens plus enseignante même si je puise fréquemment dans mon expérience passée lors des entretiens. Aujourd’hui, je suis coach. Je ne savais pas à quoi m’attendre quand j’ai accepté le poste. Pour l’instant, j’apprends chaque jour et c’est très motivant. Je suis heureuse de faire un pont entre mon activité précédente et mon rôle actuel. Je n’ai pas de plan de carrière, je m’investis au jour le jour. Comme c’est un métier très prenant, je pense qu’il ne faut pas l’exercer très longtemps. De plus, quand on accompagne les autres dans leur mobilité, je crois qu’il est important de la vivre régulièrement aussi soi-même, de se renouveler, de sortir de sa zone de confort pour progresser et découvrir de nouvelles choses. Je tenterai peut-être un concours d’attaché administratif si je décide de rester dans l’Education nationale sur des missions liées à l’orientation, ou alors j’irais travailler comme CMC dans une autre structure. A plus long terme, j’ai toujours le projet de créer mon entreprise. Le contact avec les jeunes me manque et j’aimerais pouvoir renouer avec eux. Toutes les options sont ouvertes pour le futur. »

 

Quelles doivent être, selon vous, les qualités d’un CMC ?

 

« D’abord, de très grandes qualités d’écoute. Avoir le sens de l’innovation, être créatif, être toujours dans l’échange, l’ouverture, savoir partager ses sources, ses références. C’est un métier où la qualité de la relation aux autres est essentielle, en étant accessible, disponible. Il n’y a pas vraiment d’horaires. Il m’arrive de rester plus tard que prévu pour une réunion par exemple.

 

Avec les personnels que je reçois, je dois demeurer d’une grande neutralité, car je suis en quelque sorte un pivot entre les personnels qui agissent sur le terrain et les personnels qui ont le pouvoir de décision. Ma fonction requiert beaucoup d’organisation, avec un champ vaste de travail.

 

Etre CMC, c’est aimer les autres, les guider, les aiguiller. Etre un bon communiquant, savoir aller à la rencontre des partenaires, savoir négocier, être curieux et tenace sont également des qualités importantes pour ce poste.»

 

Quelle est la taille de la cellule de seconde carrière de l’académie de Créteil, qui gère plus de 90.000 personnes dont une majorité d'enseignants, et quelle est en moyenne votre capacité d’accueil ?

 

« Actuellement la cellule de seconde carrière qui est pilotée par le DRRH comprend son adjointe et 4 personnes qui réalisent comme moi l’accueil et l’accompagnement de personnels de l’académie. Une secrétaire nous apporte son aide. Depuis que j’ai pris mes fonctions, je me suis occupée de 150 personnes environ, tandis que mes collègues, plus expérimentés dans la fonction, en ont accueillis un peu plus. »

 

Vers quelles secondes carrières s'orientent les enseignants que vous suivez ?

 

« Les reconversions sont extrêmement variées : chaque personne a son projet personnel (événementiel culturel, bâtiment, création d’entreprise, ouverture de commerce,…). Dans le cadre précis de la seconde carrière, cette année, il y a eu des orientations vers le CNED (responsable de formation), le rectorat (contrôle de gestion), les IA, les ministères, des missions interministérielles, des associations en lien avec la pédagogie, des centres culturels ou encore des collectivités territoriales (postes de chargés de mission), dans les écoles primaires (psychologue scolaire) et bien sûr les classiques évolutions de carrière intra Education nationale (postes d’encadrement).

 

Les enseignants sont demandeurs de congés de formation professionnelle (nous en accordons entre 150 et 200 par an). Par ailleurs, nous ajoutons tous ceux qui sont motivés par une reconversion dans notre vivier de compétences. Dès que je repère des offres d’emplois qui peuvent leur correspondre, j’appelle les enseignants que je suis et je les leur transmets, pour qu’ils puissent y postuler. Parfois, si c’est nécessaire, j’oriente l’enseignant vers une VAE. Nous avons eu cette année le cas d’un professeur qui s’est orienté vers une formation d’horticulture. Si la formation est possible en interne, elle peut être prise en charge par la DAFOR, mais si c’est une formation extérieure, c’est souvent à l’enseignant de la financer. »

 

Qu’est-ce qui vous passionne dans ce métier ?

 

« Je me lève tous les matins avec le cœur à l’ouvrage. Certes, j’accueille parfois des gens en colère, d’autres frustrés ou désespérés, mais je suis là pour leur fournir de l’information, les aider à clarifier ce qu’ils veulent et à identifier des solutions potentielles. Les entretiens génèrent un peu de soulagement, de motivation quand les gens se sentaient dans une impasse. Je considère que mon rôle est d’apporter de la flexibilité, de l’humanité dans une structure qui manque quelquefois de souplesse.

 

J’exerce mon métier avec passion, c’est fondamental. J’ai envie de rendre service aux autres, et je suis heureuse que cette innovation se déroule au sein de l’ Education Nationale. »

 

Quelques années après cette interview nous avons appris qu'Hélène BORDIER avait quitté ses fonctions de CMC pour redevenir Coach hors Education nationale.


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